L'histoire :
Une nuit, Didier est réveillé par un bruit de verre cassé. Il sort sur le palier de son appartement et s’aperçoit que la verrière du cinquième est en train d’exploser, car un incendie s’est déclaré. Plus surpris que paniqué, il referme la porte de chez lui en se demandant que faire dans ces cas-là. Un coup de fil aux pompiers lui rappelle l’essentiel : quitter les lieux au plus vite. Didier a tout de même la présence d’esprit de se demander s’il ne ferait pas bien d’emporter quelque chose de précieux à sauver… Oui, mais quoi ? Il jette son dévolu sur ses albums photos. Le voilà dans la rue en pantalon de pyjama et un gros sac de photos, au milieu des voisins catastrophés. Il soutient à temps la voisine du deuxième, en nuisette, qui tombe dans les pommes – sa main frôle alors son sein… En 10mn, les pompiers éteignent l’incendie et tout le monde peut rentrer chez soi. Didier s’aperçoit alors que son sac de photos a disparu ! Après quelques recherches inquiètes, il le retrouve tranquillement déposé dans le hall de l’immeuble, certainement par un voisin bienveillant. Cet événement l’amène, le lendemain, à remettre son nez dans ces souvenirs couchés sur papier. Il revoit son enfance, ses amis, ses ex, mais aussi des photos de son père, décédé alors qu’il était enfant. Certains clichés l’interloquent sur la personnalité de ce grand absent de sa vie. Qui était-il exactement ? Didier finit par trouver toutes ces « poses » artificielles et mensongères. Il décide de jeter ses albums photos à la poubelle…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Depuis quelques années, le Tronchet de Jean-Claude Tergal, de Raymond Calbuth et de La bite à Urbain est devenu Didier Tronchet. C’est-à-dire que l’amuseur public s’est attelé à des récits porteurs de fond, plus adultes, mais sans se départir de la subtile veine comique qui fait toute sa force. Ce roman graphique dessiné avec son trait épais d’allure spontanée, un noir et blanc juste rehaussé d’un lavis gris, pose la question de sa nature. C’est-à-dire que d’un événement clé, il s’interroge autant sur ses origines, que sur la courbure à accorder dès lors à son destin. Un peu comme tout-un-chacun peut le faire aux tournants de la vie (la perte d’un proche, une décennie de plus…). Le récit s’étale sur une semaine, durant laquelle les événements s’enchaînent. Un incendie l’amène tout d’abord à sauver le seul bien matériel qui compte (vraiment ?) : ses photos de familles. Sur ces dernières, il s’interroge alors sur le regard et la personnalité de son père, défunt trop tôt et donc finalement méconnu. Puis c’est l’enterrement de sa grand-mère… Puis une vieille lettre rédigée à son attention, conjuguée au report d’affection qu’il a pour son neveu… Petit à petit, au gré des souvenirs qui remontent en lui comme des madeleines de Proust, il décortique sa propre psychologie. Le titre est un indice : la conclusion aussi exquise que farfelue implique le yéti, celui qui pleure à la fin de Tintin au Tibet, en voyant d’éloigner Tchang… Grace à ce récit habile, assurément plus proche de l’auto-fiction que de l’autobiographie, Tronchet nous invite, avec toute la frivolité et la profondeur nécessaires, à nous poser les questions essentielles de la vie. Bien joué !