L'histoire :
Agustin revient dans son village, Ullua, qui a été déserté par tous ses habitants. C’est là qu’il a grandi, au milieu de ses frères, qu’il a nombreux, comme dans toutes les autres familles du village. Il est élevé par sa mère, Sara Quiroga, parce que son père, le premier, Eusebio Osorio, n’est jamais là. Il part souvent, et pour longtemps, chercher fortune dans la mine de Potosi, une mine d’argent qui avale les hommes d’Ullua et des villages voisins depuis des siècles… Son deuxième père, c’est son géniteur, Melchior Molina, qui a violé sa mère un soir où Eusebio n’était pas là… Il sera chassé du village par son troisième père, spirituel celui-là, celui que le village appelle Padre Pio, un prêtre ouvrier, épris de justice, de liberté, de fraternité. Agustin, lui, est triste que Eusebio, son père, se ruine la santé à la mine. D’autant qu’il pourrait rendre les cultures du village prospères, puisqu’il sait faire tomber la pluie. Le jour où une explosion ramène Eusebio en petits morceaux à la maison, Agustin est confié au Pako, une espèce de chamane qui va l’initier aux rites anciens.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Nouvelle collaboration entre la romancière et scénariste Anne Sibran et son époux, le multi-primé Didier Tronchet, Le Monde du dessous est la seconde production issue de leur voyage de trois ans en Amérique du sud. Leur famille a en effet vécu trois ans en Equateur et Tronchet en avait déjà tiré, à la rentrée dernière, un journal de bord de leur voyage, Vertiges de Quito. L’histoire se base ici sur les hauts plateaux boliviens et Anne Sibran raconte la terrible histoire de cette montagne littéralement dévoreuse d’hommes, puisque la mine d’argent de Potosi, perchée à plus de 4000m d’altitude, a englouti huit millions d’hommes depuis la décision des conquistadores espagnols de l’exploiter au 16ème siècle. Sibran en profite pour livrer un conte magique, mêlant les croyances des indiens Quechua aux croyances catholiques héritées des colons, que le brave padre essaie de faire prospérer… Mais c’est surtout du diable qu’il est question pour les indiens, qui le croisent au fond de la mine et tentent de l’y enfermer. Le parallèle entre l’exploitation inique et insupportable de cette main-d’œuvre à bon marché et la profusion occidentale est bien mené tout au long de l’album, aidé en cela par une narration à la première personne, tout en naïveté et en détachement, qui fait penser à toute l’œuvre première de Tronchet. La conclusion est peut-être un peu rapide et déçoit fortement, mais ne fait pas oublier la profondeur et la poésie du propos. Le trait de Tronchet se ressemble, naïf et jovial, mais son trait est plus précis, et les couleurs sont éblouissantes. Au final, c’est une vraie belle réussite, tendre et intelligente. Un ouvrage qui nous questionne et qui met l’humain dans une perspective mondiale. Nécessaire.