L'histoire :
Beyrouth, dans les années 1960. Abdallah commence sa journée : tout d’abord dans la douceur et le bonheur familial. A travers les rues de Beyrouth, heureux d’étrenner ses nouvelles chaussures italiennes fraichement acquises, l’homme est toute à la joie de retrouver son ami au cinéma, où se joue les dernières nouveautés américaines et libanaises. Et de lui annoncer une grande nouvelle ! Il est en effet invité en Europe pour y présenter un piano de son invention à un fabricant. Il va voyager et découvrir la France ! Toujours Beyrouth, mais en 2004. Premier départ d’une jeune femme, qui quitte sa famille pour s’envoler pour Paris. Malgré les liens de sa famille avec la France et sa maîtrise de la langue française, ce départ est une déchirure. Qu’il est compliqué de faire tenir toute une vie dans une seule valise de 23 kg ! Le récit se poursuit sur le voyage et la vie de ces deux personnages entre le Liban et la France, pour découvrir finalement le lien qui les unit…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Comment parler de Beyrouth sans parler de la guerre que ce pays a traversée pendant 15 années ou de ses mezzés. Cela relève presque de la gageure. Zeina Abirached s’y attache avec habileté en racontant sa vie entre Paris et Beyrouth et celle de sa famille. Pas celle de sa famille pendant la guerre, qu’elle élude, mais celle de son arrière-grand-père, musicien dans les années 1960. Au travers de deux récits conduits en parallèle, elle nous montre que Beyrouth était une ville cultivée et raffinée dans les années 1960 et combien les liens entre libanais et français sont forts, malgré les différences culturelles. Tout cela est loin, très loin du Beyrouth criblé de balles et miné par les conflits entre communautés. Toutefois, à raconter ces deux vies avant et après la guerre sans aborder ce pan de l’histoire libanaise, elle finit par en parler malgré elle. A moins que ce ne soit volontaire pour l’exorciser, notamment par le choix de la bichromie noire et blanche, telle un négatif de photo, qui nous parle implicitement de l’autre facette de l’Histoire. Dès les premières pages, le parallèle est immédiatement fait avec Persepolis de Marjane Satrapi : le dessin, la bichromie avec des pages presque totalement noires, le récit familial, nous rappellent le départ pour l’Europe et le déracinement d’une jeune femme originaire d’un pays. Une histoire moderne, très complexe et difficile à comprendre et à expliquer à des occidentaux qui leur sont tellement proches par le mode de vie ou la culture, mais qui ont tant mal à comprendre les conflits qui ont agité ces deux pays. Le récit du Piano oriental est fin, plein de légèreté, mais il aurait largement gagné à se distinguer de Persepolis, difficile à égaler et pour éviter toute comparaison.