L'histoire :
Dissimulé sous une cape, un individu marche à pied par des chemins de montagne. Il se fait discret lorsqu’il aperçoit un feu de camp, sur un rocher en promontoire. Il passe sur la pointe des pieds sous le poste frontière gardé par des soldats en armes. Après sans doute des jours de marche, il atteint enfin son objectif : un lac, sur la rive duquel se trouve un important camp de base de l’armée haïmar. L’individu attend patiemment que la lune soit propice. Puis il retire ses chaussures et se poste sur la rive du lac. Il prononce une incantation, qui lui permet de… marcher sur l’eau, jusqu’au milieu du lac. A cet endroit, il essuie une larme et se poste en position de yogi, parfaitement immobile. A ce moment débute son rite. Au petit matin, un des seigneurs du camp réveille brusquement un de ses esclaves dans sa yourte pour qu’il aille lui chercher de l’eau. Le pauvre ère s’exécute, jusqu’à ce qu’il repère cet individu en position méditative à la surface de l’eau. Il alerte aussitôt le camp : il lui semble que c’est un kévark ! Impossible, ils ont tous été exterminés ! Pourtant, après s’être massés en nombre sur la rive du lac, les soldats se rendent à l’évidence, c’est bien un kevark, en pleine méditation. Mais comment peut-il être ainsi installé à la surface de l’eau ? Est-il posé sur un haut fond où est-il un foutu magicien ? On fait mander un traducteur au village le plus proche pour tenter de nouer un contact. Car nul ne doit pénétrer dans les eaux de ce lac miroir, sacré pour le peuple kévark…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après avoir frayé avec la science-fiction dans Ion mud en 2021, Amaury Bündgen s’aventure sur les terres de l’heroïc-fantasy avec cet étonnant Rite. Sans préliminaires, on est happé au sein d’un univers fantastique, mais étrangement non spectaculaire. Le survivant humanoïde d’un peuple exterminé vient se poster en position du lotus au milieu d’un lac pour y effectuer un rite, qui déclenchera la vengeance ultime de son peuple. Vous découvrirez la forme de cette vengeance dans les dernières pages… mais le cœur du propos se situe surtout dans la période de discussion intermédiaire. Il se noue en effet un dialogue avec ce sorcier, qui permet de comprendre les tenants et les aboutissants d’une vaste guerre entre peuplades ennemies, à grand renfort de flashbacks. Et tout un contexte géopolitique très abouti se dévoile... Si les principaux rivaux – les haïmars, ersatz des guerriers Huns, et les kévarks – ont des apparences humanoïdes relativement classiques – à part ce qui ressemble à des tatouages tribaux sur le visage du kévark – un tiers individu joue un rôle d’intermédiaire. Ce « scorne » pachydermique est le croisement entre un centaure et un orc. A lui seul (son « chien de chasse » Hardelin aussi), il inscrit ce one shot dans la fantasy la plus hard boiled. Uniquement en noir et blanc, le dessin chiadé et réaliste se borne ainsi au décor des montagnes et aux apparats des soldats des divers peuples. Et au bestiaire, qui fait tout le sel de ce long et surprenant moment de négociation crépusculaire…