L'histoire :
11 novembre 1918… Lassé d’avoir passé quatre ans à ramper, baïonnette entre les dents, dans les tranchées, Simon Virjusse a décidé de rester planqué, en attendant la fin des débats. Pourtant, en apercevant deux ennemis qui approchent dangereusement de sa cachette, il est contraint de s’aventurer à l’extérieur : il ne faudrait pas que l’un d’eux ait l’idée de lancer une petite grenade par la fenêtre de son abri. Il sort donc. Tire sans réfléchir. Tue sans tarder et reçoit dans l’instant un projectile qui explose merveilleusement bien. Passé l’orage, il repositionne son casque avant de s’étonner de voir Lespinasse, son voisin de palier, attablé et trinquant à l’armistice. Car pour sûr, la guerre est finie. Néanmoins Virjusse n’est plus. Et ce n’est pas son voisin qui lève le verre, mais la mort venue lui annoncer qu’il est le dernier mort de la guerre. Pour autant, rien n’est tout à fait fini. En effet, la mort, mécontente que France et Allemagne aient salopé son travail en augmentant trop considérablement le nombre de tués pendant ces quatre années, souhaite procéder à un petit rééquilibrage. Retour neuf mois en arrière pour proposer aux chefs belligérants un petit compromis, dont Simon Virjusse deviendrait le héros. Pas certain que le sort du sympathique poilu soit plus enviable pour autant…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ces dernières années, le 9e art ne s'est pas privé d'utiliser la Grande Guerre pour donner grain à moudre à de nombreux scenarii. Loin de s’offrir un récit historico-guerrier classique – voire d’y tirer quelques ficelles d’intrigue policière pour mieux nous prendre dans ses filets – Nicolas Dumontheuil se laisse lui aussi faire par cette période pour le moins fascinante de notre Histoire. Ici, si le récit emprunte le décorum historique adéquat, il bifurque savoureusement en intégrant un élément fantastique conduisant rapidement sur les routes du mauvais rêve. Du coup, loin des champs batailles et débarrassés de la réalité du conflit, on s’amuse uniquement de la farce cruelle qui est jouée à notre héros malgré lui. Passé le plaisir ironique à observer ce poilu qui pensait avoir tiré le gros lot, le propos permet de nourrir notre réflexion quant aux questions de l’identité, du sacrifice ou de l’héroïsme. Il s’agit là, en tous cas, d’une bonne illustration (un brin moralisatrice) de l’expression « revers de la médaille », pour accepter définitivement qu’on ne peut se jouer du destin : quand on meurt, on meurt ! (peu importe la forme prise par cette fin). Au delà, placé dans ce contexte particulier et marquant, l’exercice permet à l’auteur de s’amuser avec une certaine force satirique du fonctionnement de « l’animal humain » : patriotisme et manœuvres politiques de circonstances au service d’une déculpabilisation de se désastre sciemment organisé. Décliné en presque 100 pages, l’album s’avale sans déglutir, à la fois pour connaitre le sort réservé à Virjusse, mais aussi grâce à une maitrise de la narration (via entre autres des dialogues touffus, mais claquants et jubilatoires, comme cet entretien de notre militaire avec Jésus Christ). Le trait « nouvelle BD » conforte la lisibilité de l’ensemble et assoit cette petite « patte » Dumontheuil qu’on apprécie définitivement.