L'histoire :
Julien, écrivain raté et nègre d’un éditeur ; Marcello, cuistot de quartier ; Charles, directeur d’une petite agence bancaire ; René, flic qui fête sa retraite ; Louis, comédien bedonnant de seconde zone. Ces 5 amis d’enfance sont restés, à 60 balais, les meilleurs amis du monde : les 5 doigts de la main, comme ils aiment régulièrement à se le rappeler. Mais ils sentent le poids des ans faire son job, inexorablement, et ils entament leur troisième âge avec une pointe d’amertume. Ils aiment se retrouver chez Julien, pour pouvoir mâter, à travers son télescope, la splendide voisine d’en face, dans ses nombreuses frasques amoureuses. Jusqu’au jour où ils se rendent compte qu’elle a vu leur manège et que ça ne la dérange pas plus que ça. Dans les jours qui suivent, Marcello se pointe à un cocktail, ladite créature à son bras. Verts de jalousie, les autres lui demandent des explications. Marcello leur raconte qu’il lui a juste demandé et qu’elle a accepté. Elle les invite d’ailleurs tous à l’apéro le lendemain, dans son appartement, pour mieux faire connaissance ! « Jo », c’est son nom, se présente sans scrupule comme une femme qui mène un train de vie fastueux, grâce à l’argent du richissime homme d’affaire qui l’entretient, Doudou. Or, voilà que le Doudou en question débarque à l’improviste ! Les 5 amis se planquent donc dans la cuisine, se faisant discrets. Mais devant l’insistance du Doudou à obtenir un câlin de Jo, ils se dévoilent ! C’est le clash : Doudou plaque Jo. Mais qui donc va pouvoir l’entretenir à présent ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le succès que le scénariste Jean Van Hamme a su conférer à chacune de ses séries (Thorgal, XIII, Largo Winch…), il le doit à un talent quasi surnaturel pour ferrer le lecteur, immédiatement et définitivement. Une fois de plus, la magie opère sur ce one-shot de 82 planches, duquel on ne peut décrocher avant la fin, et qui emprunte beaucoup aux ficelles du 7e art. A travers sa narration, Van Hamme fait par exemple des « arrêts sur image » pour approfondir les profils psychologiques de ses personnages. De même, on a d’emblée le sentiment d’être en terrain connu concernant les personnalités de ces truculents héros : le sorcier Van Hamme s’appuie sur des traits de caractère bien identifiés dans l’inconscient collectif, pour les rendre immédiatement attachants. Pour ce faire, il s’adjoint aussi les services de Paul Teng, dessinateur hollandais émérite, qui vient de terminer L’ordre impair (un thriller historique). De son coup de crayon réaliste, Teng « fait le job » de fort belle manière, via des cadrages et un découpage parfaitement adaptés au ton de la comédie de mœurs contemporaine. Car Le télescope, c’est tout d’abord l’histoire de tous les fantasmes assouvis : la jolie fille, l’argent facile, l’amitié éternelle, les affaires politiques devenues vertueuses… C’est ensuite l’histoire d’une arnaque, jubilatoire et très solide, aux accents parfois vaudevillesques, s’appuyant sur des rouages fonciers et financiers parfaitement maîtrisés. Certes, il y a bien quelques moments et dénouements un peu convenus (le final, surtout), mais on les pardonne aisément, tant le reste du récit est brillant et plaisant à suivre.