L'histoire :
Paris, 19 décembre 2018. Zed vient de sortir de la prison de la Santé. Il neige. Il a froid, pratiquement pas un rond et il ne sait pas encore où il va passer la nuit. Il n’y a pas si longtemps, pourtant, tout roulait pour lui. Tout roulait très vite, même, au rythme des « Go-Fast » et autres magouilles qui alimentaient le trafic mené par Toussaint, l’un des 2 plus gros patrons du commerce de cannabis de la capitale. Toussaint est une véritable savonnette, impossible à mettre derrière les barreaux. Et surtout assez malin pour avoir parfaitement organisé la filière (via son big boss sud-américain). Et plus encore pour avoir verrouillé le blanchiment de ses bénéfices colossaux. De quoi, en tout cas, laisser ce sentiment amer d’impuissance dans la bouche des responsables politiques incapables d'agir, incapables d’enrayer l’économie parallèle générée, incapables d'empêcher le déferlement violent qu’accompagne la conquête de nouveaux territoires par les trafiquants. Directement concerné par le problème, le maire de Nanterre, Serge Gorski, est convié à la conférence internationale « War on Drug » réunissant à ses côtés représentants du Mexique, du Guatemala, du Honduras et de la DEA. Le constat est unanime : des milliers de morts chaque année, une corruption galopante et des représailles sont le lot de chacun. Les différentes politiques mises en place restent inopérantes. Pourtant, le Président du Guatemala soumet une idée osée : légaliser. Il propose à Gosrki d’en être l’un des pionniers. Zed et Toussaint pourraient bien être de la partie…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Eminemment polémique, le sujet de la légalisation du cannabis en France alimente régulièrement les débats, depuis une grosse paire de décennies déjà. Que l’on soit pour ou contre, la question a le mérite d’être posée avec deux préalables indiscutables : le cannabis alimente une économie parallèle boostée par la prohibition et chapeautée par des mafias ; le cannabis est un toxique nuisible. Reste à imaginer ce que la légalisation produirait comme effets. Et c’est bien là l’enjeu de l’exercice proposé par Amazing Ameziane et Cédric Gouverneur : mettre en scène la fin de la prohibition, à Nanterre, en 2019, au rythme d’une fiction frappée du sceau de la crédibilité (« Legal est inspiré de faits réels qui arriveront sûrement un jour » clame la postface…). Un maire socialiste qui ose passer à « l’action », une chargée de mission et un ex-taulard plein d’imagination, des fermiers et des trafiquants qui se reconvertissent (ou pas), des traders, des magouilles d’alcôves, de la violence, du C4 et des « canabistros »… Le fourmillement de protagonistes, de situations sous tension, de destinées modifiées par cette légalisation, assoira une atmosphère trempée dans une sauce polar de veine moderne sans concession, en particulier relayée par la partition graphique. Néanmoins, ce n’est pas de ce côté qu’on ira chercher des points au regard d’une intrigue plutôt classique, ralentie, qui plus est, par le jeu statique des protagonistes et des kilomètres de dialogues. Seule la surprise en dernière case renoue avec l’intention d’offrir un peu de sel à la fiction. A l’inverse, l’objectif documentaire – ou celui de faire avancer le schmilblick – est complètement rempli. La partition proposée fouille en effet admirablement bien son sujet, via une myriade d’infos et une documentation bétonnée. Surtout, elle construit intelligemment l’immense toile (rôle des média, impact économique, impact politique, impact en termes de santé public, impact sur la criminalité et limites…) autour d’une belle ambition, en ayant l’honnêteté de ne pas confier totalement ses faveurs à une résolution béate de la problématique. Reste à savoir si vous êtes plutôt intéressé par un docu bien tourné ou si vous voulez plonger dans un polar baigné d’adrénaline.