L'histoire :
Florence est employée chez Appal, une grosse entreprise qui a pignon sur rue. Mais Florence ne se sent pas dans ses baskets face à son management. En effet, sous le sceau d'une prétendue bienveillance et sur le prétexte du bien-être au travail, la cadre se voit proposer un tas d'activités en relation avec son entreprise pendant son temps libre. On lui demande beaucoup de flexibilité à mettre au service de son entreprise. Mais Florence ne l'entend pas de cette oreille et préfère choisir des espaces de liberté qui lui sont propres et privés. De cette liberté d'esprit naît un sentiment de culpabilité dont elle fait part à son amie qui a récemment été victime de burn-out. Celle-ci lui remet l'ouvrage Libres d'Obéir de l'historien Johann Chapoutot. Celui-ci compare les techniques managériales actuelles aux théories organisationnelles de Reinhard Höhn, un ancien général SS, qui se muera en Professeur de management dans l'Allemagne d'après-guerre. Elle lui conseille de le lire pour en débattre entre elles...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L'adaptation en BD d'un roman est toujours particulière, mais elle l'est encore plus lorsqu'il s'agit d'un essai historique. L'historien spécialiste du régime nazi s'est d'ailleurs mué, le temps d'une bande dessinée, en scénariste de roman graphique pour illustrer ses recherches tirées du livre Libres d'Obéir, sorti il y a déjà 5 ans. Ses recherches sont particulièrement bien documentées et s'appuient sur des faits réels. Chapoutot y défend une thèse provocante selon laquelle le management contemporain basé sur l'autonomie sous contrôle puise son origine dans les théories du management enseigné par Reinhard Höhn, un ancien officier de l'armée nazie. La narration très théorique au départ pourrait paraître rébarbative, mais elle se déroule au travers d'échanges entre deux amies dont Florence, la principale protagoniste de l'histoire s'interroge sur les agissements d'Appal, la société qui l'emploie et qui ressemble étrangement à une grande entreprise dont l'emblème est une pomme... Le dessin de Philippe Girard est sobre et coloré, avec des tons vifs au départ, pour se terminer en noir et blanc afin d'illustrer l'enfer que traverse la cadre brillante. Le scénario puise ses sources dans les recherches de l'historien et se découpe en 8 chapitres. Le récit vise à vulgariser une théorie historique et philosophique sur l'autorité, le travail et la liberté dans le monde d'aujourd'hui. Il y a quelques années, cette question a été marquée par le suicide de plusieurs employés de France Telecom. Un récit étonnant, captivant à lire avec le recul nécessaire pour laisser son libre arbitre juger de la pertinence de ces similitudes. Certaines d'entre elles sont interpellantes.
