L'histoire :
A Bordeaux, début mars 2020, Marine déménage. Elle pose ses cartons dans son nouveau chez-elle. Ses parents, Nicolas et Gwen, sont venus pour ce nouveau départ : elle va être bien ici. Elle leur montre la meilleure vue de la maison : depuis la fenêtre de la salle de bain, elle a vue sur le cimetière. Sa mère trouve ça lugubre. D'ailleurs elle ne veut pas être enterrée, elle voudrait que ses cendres soient dispersées à Belle-Ile. Marine en profite pour demander à son père ce qu'il souhaiterait lors de sa mort. Il indique qu'il voudrait être enterré dans le caveau familial de Castelnou, avec son père. La jeune femme s'arrête net. Elle est vraiment en colère. Elle lui rétorque qu'elle ne viendra jamais le voir dans ces conditions, et il s'acharne : cela lui ferait plaisir d'être enterré avec son père. Si Marine a cette réaction violente, c'est parce qu'Auguste, son grand-père et donc père de son père, l'a violée lorsqu'elle était petite. Et elle n'est pas la seule de la famille à avoir été abusée. Aujourd'hui, à 30 ans, elle est toujours marquée par ces viols. Histoires d'amour chaotiques, elle fait la fête et fume plus que de raison. En devenant journaliste, elle s'est aperçue que ses reportages tournaient toujours autour des mêmes sujets : libérer la parole des victimes, enfants nés du génocide rwandais, crimes sexuels de guerre... Le silence qui entoure l'inceste empêche de voir son ampleur et sa violence. Marine décide de mener l'enquête au sein de sa propre famille.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Une succession d'événements font prendre conscience d'une chose à la journaliste Marine Courtade : elle a jadis été victime d'inceste. Mais le silence qui entoure cet événement traumatique, de la part de sa famille, est assourdissant. Elle veut creuser : comment cette mécanique du silence se met-elle en place ? Pourquoi son entourage n'a-t-il rien dit ? Elle prend son enregistreur et envoie un mail aux membres de sa famille pour demander des entretiens. Elle a quelques refus, elle a aussi des volontaires. Ils sont éparpillés aux quatre coins de la France, alors elle part à leur rencontre. A la rencontre de son histoire intime et personnelle aussi. Elle retranscrit cette enquête à travers cette bande dessinée très accessible, illustrée par Alexandra Petit, character-designer, illustratrice et animatrice 2D, qui réalise son premier projet long de bande dessinée. La couleur orange domine les planches. Cette teinte chaude est parfois contrebalancée par l'arrivée de souvenirs, colorisés en bleu, qui refroidissent l'atmosphère, d'un coup. Avec courage, Marine rentre dans les rouages de sa famille, qui peuvent s'appliquer plus largement aux familles où l'inceste existe. Celle-ci n'a pas su parler, briser le silence. L'agresseur est resté considéré, la famille n'a pas été brisée et a continué d'exister comme elle l'avait toujours fait, malgré les paroles des enfants. Un dossier en fin d'ouvrage permet d'approfondir le sujet, avec des pages d'entretiens, avec des anthropologues, des historiennes et des psychiatres, mais aussi un rappel des chiffres, des lois et des contacts d'urgence, ainsi que des ressources sur le sujet.