L'histoire :
Gaspard, homme d'affaires français, patron de G Incorporated et vivant à New York, apprend de son médecin qu'il est atteint d'un cancer, et qu’il n'a plus que quelques mois à vivre. Le brillant businessman qui a tout réussi à l'exception de sa vie sentimentale, décide d'utiliser les derniers mois de sa vie et les moyens financiers dont il dispose, pour reprendre contact avec Anna, la femme qu'il aimait et qui l'a quitté 10 ans plus tôt. Il demande alors à Starkhan, son bras droit au sein de G Incorporated, de contacter son frère Matthieu, ainsi que Anna, et de dérouler autour d'eux le scénario d'une machination qui lui permettra de renouer un lien avec celle qu'il n'a pu oublier. Tous deux vivent à Paris mais ne se connaissent pas…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Une fois encore en tant qu'auteur complet, Raphael Drommelschlager conçoit ici un récit de manipulation à révélations multiples, que l'on découvre en trois chapitres parallèles. Chacun est centré sur les mêmes évènements, mais selon le point de vue dissocié de chacun des trois protagonistes de l’histoire. Chaque chapitre est ainsi l'occasion de découvrir de nouveaux éléments de l'intrigue, tout en approfondissant l'un des personnages (à la manière de Quintett, référence absolue du genre). Si la machination est somme toute assez bien construite et apporte son lot de surprises, elle se déroule de manière un peu trop précipitée pour être vraiment prenante et crédible. Elle souffre en outre de quelques approximations autour de détails surprenants, qui n'apportent rien au récit. Par exemple, essayez de prendre un vol vers les Etats-Unis avec un chat dans votre sac main… Ou encore pourquoi Mathieu doit-il traverser Monument Valley (et donner ainsi à voir une très belle case) pour se rendre de l'aéroport à la villa de Gaspard ? De même, la description du monde des affaires choisi par l’auteur pour ancrer son récit semble elle aussi peu vraisemblable et manque de profondeur pour soutenir réellement l'intrigue, alors qu'elle en est un élément central. Cela dit, l'album frappe par son esthétique particulière, un noir et blanc simplement rehaussé d’une teinte en bichromie par chapitre de l'album (le bleu pour Gaspard, le rouge pour Anna et le vert pour Mathieu), comme l’illustre la belle couverture de l'album. Au fil des quelques 110 pages de l'album, de multiples influences graphiques se manifestent à travers les visages ou les postures. On pense à la ligne claire de Ted Benoît, au dessin nerveux des dessinateurs de comics Gil Kane ou Joe Kubert, aux visages à la Cosey… Cette palette d'influences donne une certaine irrégularité à l'album, malgré des planches très réussies à la beauté glacée. Au final, il reste un album esthétiquement original, mais une intrigue bancale et complexe, dont le rythme n'est pas pleinement maitrisé. Une sorte de dilemme entre le désir de réaliser de belles cases sur fond de décors de rêve, et les exigences d'efficacité d'un scénario très (trop ?) ambitieux.