L'histoire :
New York, 18 janvier 1974. Paul et Linda McCartney quittent l’appartement de Yoko Ono après une soirée apparemment cordiale. « Si vous voyez John, dites-lui que j'ai un message pour lui », glisse Yoko. Paul, lui, s’envole vers une nuit de fête : le voilà de nouveau vivant. Plus un ex-Beatle, mais un rockeur assumé, à la tête des Wings. Un bond en arrière nous ramène au 20 août 1969, à Tittenhurst Park, dans la campagne anglaise. Les Beatles sont à bout de souffle. Abbey Road est dans la boîte et le groupe s’effrite. Une ultime réunion est convoquée, mais l’avenir s’assombrit : John propose une répartition équitable des chansons entre lui, George, Ringo et Paul. Paul s’y oppose – il juge les titres de George trop faibles. L’ambiance est glaciale. Les reproches fusent, les egos s’entrechoquent. John soutient George, George se sent trahi, et Paul, en funambule fragile, tente de maintenir l’illusion du collectif. Dans l’ombre, Allen Klein s’impose comme manager, soutenu par Lennon (Mc Cartney voit en lui le nouveau gourou de John), malgré l’opposition ferme de Paul. Le ver est dans le fruit. Et puis, juste après cette signature avec ce nouveau manager, John annonce qu'il quitte le groupe. C'est le seul qui n'était pas au courant... Paul a besoin d'air !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En 1969, la nouvelle tombe : les Beatles se séparent... avec pertes et fracas. Adulé, omnipotent, Paul McCartney se retrouve seul, incompris, relégué au rang de chômeur pendant que John Lennon devient une icône pop-philosophique. Cette BD d’Hervé Bourhis raconte cette traversée du désert, cette mue douloureuse entre la fin d'une histoire d'un groupe mythique et la renaissance d'un homme qui déploie ses ailes avec les Wings... tout un symbole ! On y découvre un McCartney dépressif, terré dans la campagne, secoué par un manque de reconnaissance, sauvé par l’amour indéfectible de Linda. Le récit, très incarné, alterne reconstitutions historiques minutieuses et séquences presque hallucinées, où l’auteur se permet de sortir du cadre, au sens propre comme au figuré. Le dessin épouse ce mouvement : stylisé, coloré, oscillant entre hommage graphique et trips sous acide, comme si l’auteur voulait traduire la confusion mentale autant que la flamboyance créative. Après Le Petit Livre des Beatles et Retour à Liverpool, Bourhis termine ici une forme de trilogie, toute entière dédiée à son admiration pour McCartney. Plus qu’un biopic, Paul est une déclaration d’amour déguisée, portée par une narration vive, sensible, pleine de tendresse pour un homme trop souvent relégué à l’ombre du tandem Lennon-McCartney. En choisissant Paul et Linda comme narrateurs, Bourhis rend aussi hommage à un couple, à une fidélité, à une reconstruction. Une résurrection graphique et musicale, tout simplement.