L'histoire :
Dans un gros village rural, très rural, de l’est de la France profonde, Nanase, comme on l’appelle, vit avec sa mère, alcoolique. Il vivote semble t-il de quelques alloc et de petits services, du genre aller nourrir les chats qui vivent avec la vieille Alieni… Un truc de malades qui le met très mal à l’aise : ils sont des centaines dans la pièce où elle habite et ils se jettent sauvagement sur les sacs emplis d’abats. Puis Nanase passe « acheter » un loquet à installer sur la cabane au fond du jardin. Ceci, afin d’empêcher les gamins du quartier d’houspiller systématiquement sa mère quand elle est au petit coin… Mais le quincailler en a sa claque de supporter les ardoises laissées par Nanase et il l’envoie paître. Le « zhéros » se cache donc dans un coin et attend l’obscurité pour chaparder divers matériaux, en passant le tout ensuite par-dessus le mur. De nuit, il apporte le fruit de sa rapine à son pote Albert qui vit dans une caravane, pour le planquer. Albert est complètement flippé : il vient de regarder un film avec des aliens et il est persuadé que l’invasion a commencé. Ils vont nous « sugberger » ! D’ailleurs, il vient d’en voir un petit, dehors, tout jaune, avec une étrange casquette sur la tête. Pendant ce temps, le village est à la recherche d’un petit mongolien qui s’est égaré l’après-midi dans un champ, alors que leur surveillante était occupée à faire des roulades dans l’herbe avec José Manucci, un ancien de la légion…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pauvres zhéros fait partie de la première fournée de romans noirs adaptés en BD dans la collection Rivages/Casterman/Noir, sous la direction de Matz. A l’origine, il s’agissait d’une histoire concoctée par le célèbre écrivain Pierre Pelot, qui œuvre ici dans un registre social glauque de chez glauque. L’ambiance des bas-fonds ruraux, sur laquelle se greffe un crime aussi abominable que sordide, fait penser à celle de Fargo, le film des frères Cohen. Bribes par bribes, avec le talent graphique semi-réaliste et acéré qu’on lui connait, Hervé Baru (L’enragé !) met « en lumières » une mécanique tragique… qui se dévoile petit à petit… sans qu’on la voit forcément venir. Un protagoniste discret est tapi dans l’ombre : cet hospice Saint Maurice, où l’on entasse indistinctement handicapés, aliénés et vieillards, qu’il faut masquer aux yeux de la bonne société. Une spirale infernale est enclenchée et aboutit là où on ne l’attend pas forcément. Jubilatoire d’immoralité, le récit est plus proche du drame social que du polar (il n’y a pas d’enquête à proprement parler). Il s’agit surtout d’un cri de révolte à l’encontre de comportements sociaux-administratifs odieux, tout droit inspirés d’une brève anecdote racontée par Pelot en quatrième de couverture.