L'histoire :
Dominique (un bougon qui a perdu ses illusions) et Isabelle (cocue et nerveuse sur le sujet) ont laissé leurs deux enfants à papy-mamie. Ils sont les premiers à arriver au gîte rural, de nuit, en attendant les autres. Une petite frousse d’usage, dans le noir, pour mettre dans l’ambiance, et ils prennent la première chambre venue, attendant qu’il fasse jour pour faire le tour des lieux… et découvrir le compteur électrique. Le lendemain à la première heure, en plein Paris, Hubert et Helena se payent la poire de Jean-Pierre. Tous 3 attendent Jan à la gare Saint-Lazare. Jan est la nouvelle web-conquête de 19 ans de Jean-Pierre, rencontrée par t’chat. Hubert et Helena savent que Jean-Pierre est marié, qu’il a deux enfants, mais bon… il est grand, il assumera les conséquences. Quand Jan arrive enfin, radieuse, la petite troupe prend en voiture la direction du gîte, dans le sud de la France. Ces 6 presque-quadras (Jan exceptée) ont prétexté une éclipse de soleil pour prendre le temps de se retrouver et de papoter de choses et d’autres, de la vie, des femmes, des hommes, des relations hommes-femmes… de faire le tour d’eux-mêmes et de leurs relations. Dans la voiture, Hubert a préparé une compile des tubes les plus insupportables de la terre. Quand ils arrivent au gîte, Isabelle est en furie : elle ignorait qu’Helena, qui roulait des patins à son mari lors du dernier nouvel an, serait de la partie. Le week-end promet d’être musclé…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Un couple écorché, une femme fatale, un mari adultère, une minette ingénue-mais-pas-trop, un pédé de service… Un casting de rêve pour un week-end en huis-clos et en terrain neutre, lors duquel chacun va pouvoir déballer ses vieux démons. On est tout d’abord étonnés de retrouver Jim (alias Téhy) ailleurs que dans une production humoristique et thématique (et marketing) de chez Vent d’Ouest (la Flemme, Maigrir, La honte, 500 idées pour…). Débauché par son pote (ou ami ?) Fane (Joe Bar Team), Jim s’est ici prêté volontiers à un exercice a priori peu évident, respectant un mode d’élaboration atypique : chacun des deux auteurs a « pris en charge » 3 personnages, s’investissant avec authenticité et spontanéité dans leurs caractères réciproques. S’appuyant sur un parlé-vrai, avec le sens de la vanne-qui-tue, ces joutes verbales sonnent effectivement très justes. Tour à tour, chacun dévoile ses forces et ses faiblesses en un récit impeccablement rythmé, avec une thérapie de groupe particulière en clé de voûte finale. Même les personnages secondaires – voire même la grande absente – ont une réelle épaisseur. Ainsi, les multiples joutes verbales auxquelles on assiste sont autant de débats entre deux auteurs schizophrènes qui refont le monde. On peut légitimement penser que cet exercice d’improvisation est autobiographique (les personnages ont l’âge des auteurs), une manière à eux d’affronter la crise de la quarantaine. Du reste, ces nombreuses engueulades (et il y en a une sacrée dose) entre ces 6 tempéraments bien trempés, renferment tout un tas de questions sur la destiné, l’amour et l’amitié, l’adultère et le sens de la famille. Autant de notions essentielles qui donnent largement de quoi réfléchir… A raison de 5-6 planches chaque mardi soir, les deux auteurs complices ont réalisé ensembles les « roughs » de ce pur morceau de bravoure (près de 300 pages bien denses), avant que Fane ne redessine le tout au final, en noir, blanc et gris. Spontané et maîtrisé, le dessin fait la part belle aux expressions faciales souvent caricaturales, parfois un brin exagérées et « gotlibesques », mais idéales pour insuffler le zest de légèreté nécessaire. Une excellente surprise !