L'histoire :
Dans un futur possible, notre planète est quasiment entièrement recouverte par les eaux. Les terres émergées ont été urbanisées à outrance et les animaux ont tous disparu… hormis une petite colonie de chats… hélas tous mâles. Jana, écologiste dans l’âme, aimerait d’ailleurs racheter ces félins au propriétaire du dernier « zoo » (peut-on parler de zoo, lorsqu’il n’y a plus que des chats ?). Ce dernier, l’éhonté Philip Ciment, est également l’industriel responsable du désastre environnemental. Or, malgré ses difficultés financières (lui aussi), il refuse de céder ses chats. La misère s’est en effet installée chez tous les survivants. Parmi eux, Irvin, Corvus et Sac, trois amis marginaux qui squattent dans un théâtre abandonné, ont été mis en marge de leur organisation rebelle écologiste. Ils sont trop tarés, trop gaffeurs, trop… « pigeons ». Les pigeons, c’est sous ce nom de saltimbanques qu’ils subsistent vaguement, en produisant des petits spectacles de rues merdiques. Aujourd’hui, Jana leur propose un contrat de fou : kidnapper Philip Ciment contre rançon. En bons pigeons qu’ils sont, ils acceptent pour des clopinettes. Mais leur plan foireux se révèle catastrophique. Primo, ils endorment le fils Ciment en lui plantant une fléchette dans l’œil. Secundo, alors qu’il a malencontreusement happé Philipp Ciment par le visage à partir du toit de l’immeuble voisin, leur bras télescopique se disloque et laisse choir l’industriel d’une hauteur vertigineuse…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il est fou cet espagnol ! Pour sa première BD, Javi Aznarez a pondu une histoire complètement déjantée et néanmoins dense, inventive et rafraichissante. Une définition de cet ovni serait une sorte de pamphlet absurde contre la mondialisation, et dénonçant indirectement l’insupportable inertie des nations face aux enjeux écologiques. Sans prévenir, il propulse d’emblée le lecteur dans un avenir proche peu ragoutant : montée des eaux, bétonisation à outrance, disparition de la faune et de la flore, perspectives d’avenir réduites à néant… Les rares survivants subsistent tant bien que mal, désœuvrés et désargentés… mais pas moroses pour autant ! Pourvus de caractères bien trempés et d’un volontarisme à l’épreuve des bévues, les protagonistes se lancent en effet dans des défis complètement saugrenus, qui donnent lieu à des développements aussi inattendus que loufoques. La tentative foirée d’enlèvement, la tantine toujours à poil, les cotons dans le nez, la tronche à Poutine, le singe… autant de sorties de route (des sentiers battus) qui se révèlent de fort bons moments, hilarants et assumés jusqu’au bout. Les références cinématographiques s’imposent, des frères Coen (The big Lebovski) à Tarantino (la fusillade ratée), en passant surtout par Brazil pour l’atmosphère d’anticipation rétro-burlesque. La colorisation ad hoc de Xavi Casals ajoute un côté kitsch bienvenu, qui s’accommode fort bien du trait semi-réaliste maîtrisé d’Aznarez. Son dessin joue à merveille avec les tronches des personnages et son découpage rythme toujours l’effet grotesque idoine. Une excellente surprise !