L'histoire :
Après avoir rencontré le succès lors d’une émission de téléréalité, Anja fut pendant quelques années une superstar à l’échelle planétaire. Adulée par les masses-média, elle a fait plusieurs chansons, les couvertures de magazines, elle a affolé les paparazzis et s’est finalement recluse dans une maison hyper moderne perdue dans la montagne. Dès lors totalement délaissée par les paillettes et les projecteurs, Anja n’en n’est pas moins heureuse ainsi. Elle vit entourée de deux personnes : son garde du corps Gordon et sa gouvernante Ella, tous deux sobres, discrets et blasées aux caprices de la trentenaire. Et puis, un jour, depuis la large baie vitrée du salon qui donne sur la montagne, Anja repère un individu qui l’observe à la jumelle. Elle demande à Gordon de le chasser et… de se renseigner sur lui. Qui donc, à cette époque, peut bien encore s’intéresser à elle ? Il s’avère que Will n’est ni un voyeur, ni un fan : juste un restaurateur qui se promène et qui est tombé par hasard sur cette baie vitrée. Envoûté par la beauté d’Anja, il est contacté quelques jours plus tard par Gordon, qui lui fait une proposition aussi indécente qu’originale…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après l’ovni Rosalinde, Thomas Canède fait une nouvelle fois honneur au ton décalé et moderne du catalogue Kstr. Cette fois, c’est au service d’une réflexion pertinente sur le voyeurisme et le star-system, qui se nourrissent l’un l’autre. Pas fastoche-fastoche, dis comme ça ! Et pourtant, en marge d’un patchwork de témoignages qui constituent progressivement une investigation prenante, le lecteur finit par se poser tout un tas de questions sur le besoin, « l’instrumentalisation » de l’autre. Quelque chose comme : je suis parce que tu es. Mais le propos est plus large, grâce au terrain encore expérimental des nouvelles technologies. La der’ de couv’ le rappelle : une sextape est « une vidéo privée qui présente une célébrité dans un contexte sexuel, avec ou sans partenaire(s) et diffusée via internet de manière non contrôlée auprès d’un public pour lequel il n’est officiellement pas destiné ». Le parti-pris de la narration, très moderne, très hachuré, déstabilise pas mal au début : il empile des interrogatoires, menés par une journaliste et un inspecteur de police, comme autant d’éléments à charge d’une enquête. Oui, mais une enquête sur quoi ? Que s’est-il donc passé pour que l’on s’intéresse ainsi au « petit arrangement » entre Will et Anja ? (mais ouiii, vous le saurez en le lisant…). On se familiarise dès lors avec le procédé narratif, tenus en haleine par ce suspens original et son dénouement… quand bien même on ne s’affranchit jamais d’un flou (volontaire) sur les réelles intentions des protagonistes, leurs états d’esprit. Cette progression par à-coups est encore renforcé par des choix de cadrages moderne et font passer la pilule d’un dessin qui demeure très « rough », très « nouvelle vague » mais auquel on finit par s’habituer. Un auteur à surveiller…