L'histoire :
Comme des millions de français, Charles Berberian découvre le confinement le 17 mars 2020. Les rues de Paris sont vides, le silence règne, on ne sort plus pour faire les courses, la nature nous manque, les bords de mer aussi. Et il dessine. En même temps, il a le temps devant lui. La dernière fois qu'il s'était trouvé coincé chez lui à dessiner, c'était en 1975, quand la guerre s'installait à Beyrouth et on ne savait pas combien temps cela allait durer... C'est là qu'il a ressenti pour la première fois à quel point dessiner pouvait être un refuge et un abri. Il se souvient quand il déambulait dans les rues de Beyrouth avec son frère. À l'époque, leur problème existentiel tournait autour de deux questions très importantes. Une : pourquoi les filles ne s'intéressaient pas à eux. Deux : comment leur héros de BD préféré, le lieutenant Mike Steve Blueberry, allait se sortir d'une impasse dans laquelle il s'était encore une fois fourvoyé ? Pendant ce temps-là, les miliciens libanais avaient décidé de tirer sur un bus rempli de Palestiniens. Les miliciens étaient chrétiens et les Palestiniens étaient musulmans. Le pays s'enfonçait peu à peu dans une impasse et personne ne savait combien de temps ça allait durer...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La crise pandémique sanitaire liée au COVID-19 a bouleversé la vie de millions de personnes en France et à travers le monde. Elle a aussi inspiré beaucoup d'artistes, qui ont rivalisé de créativité. Chez Charles Berbérian, ça a été un point de départ, comme si cette situation saugrenue réveillait des moments, des instants d'avant, du monde d'avant. Cet album est le plus personnel de la part de l'auteur de Monsieur Jean qui, avec son inséparable acolyte Philippe Dupuy, a collectionné les prix (Alph-Art coup de cœur au festival d'Angoulême 1989, Alph-Art du meilleur album français 1989, Grand prix de la ville d'Angoulême à l'occasion de la 35ème édition du FIBD 2008). A travers cet album, Charles Berbérian parle de son éducation, de ses origines (père arménien, mère grecque, né à Bagdad, avec une enfance au Liban), du lien fort qui le lie à son frère (Alain Berbérian est connu pour avoir réalisé entre autre le cultissime La Cité de la Peur). Charles Berbérian est un déraciné. Et comme tous ceux qui ont dû quitter leur terre d'enfance, il y a cette nostalgie sous-jacente, cette idée que son enfance ne sera plus, qu'il ne pourra jamais revenir nourrir sa nostalgie. Ce qui existait n'existe plus. On ressent à chaque page l'émotion monter grâce à des textes très forts empreints d'humanisme et de sensibilité (notamment quand il convoque les fantômes du passé) et un graphisme mêlant photos, aquarelles et dessin au trait. C'est une ode pacifiste à la diversité, au mélange, aux cultures diverses et variées, à la paix dans un monde qui change pas toujours dans le bon sens.
