L'histoire :
En juin 1940, Charlotte Perriand annonce à son patron, Le Corbusier, qu’elle quitte la France pour rejoindre le Japon. Plus de deux mois de traversée dans un monde en guerre. Elle est invitée à être la conseillère dessinatrice en arts décoratifs du ministre du commerce extérieur, sur les conseils d’un ancien collaborateur et ami, Junzô Sakakura. Pendant la traversée sur le Hakusan Maru, la jeune femme, en proie au doute et aux insomnies, fait la connaissance d’un japonais excentrique accompagné d’un coq, Narimitsu Matsudaïra. Il ne la juge pas, elle qui voyage sans homme, n’est ni mariée ni fiancée. Une femme forte et libre, en avance sur son temps… Ils échangent et se lient d’amitié durant la traversée. A l’arrivée, Junzô attend son amie et l’accompagne à une conférence de presse où il en fait un portrait dithyrambique, puis lui fait découvrir Tokyo et la soupe Ramen. La jeune femme est très vite au travail, où sa passion et sa franchise déroutent, mais séduisent.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A l’occasion des 20 ans de la mort de Charlotte Perriand, Arte et la Fondation Louis Vuitton développe un certain nombre de « médias » pour faire redécouvrir le travail et la personnalité exceptionnelle de cette femme en avance sur son temps. « Encore un biopic », pourrait-on soupirer. Une commande, qui plus-est. Mais le nom écrit en haut de la première de couverture incite bien entendu à l’ouvrir… Epiphanie. Berbérian s’intéresse à une période charnière de sa carrière, un voyage de deux ans au Japon dans lequel elle va découvrir une autre culture qui va lui permettre de développer sa vision alliant modernité et tradition. Son objectif est d’allier le confort à l’utilité. Elle théorise d’abord le vide, le rapport de l’homme à l’espace vide qui lui permet de vivre, de se mouvoir, d’appréhender ce qui l’entoure. Elle trouve dans le Japon un formidable écho à son travail et s’engouffre avec passion dans cette voie. Au fil des pages, le lecteur découvre une femme décidée, qui manie le doute avec une grande sagesse. Ouverte sur le monde, elle est en avance de 40 ans dans sa manière de le vivre et l’appréhender. Elle bouscule les habitudes, mais sa compétence lui permet de tracer sa route. Un carnet d’une vingtaine de pages, sous la forme d’un entretien entre Berbérian et la fille de Perriand, Pernette, permet de mieux comprendre la trajectoire de l’architecte, ainsi que les motivations de l’auteur. En totale symbiose avec son sujet, Berbérian livre des dessins épurés, à la fois simples et beaux, souvent sensuels. Il alterne le crayon gras et les aquarelles avec bonheur, souvent en une ou deux couleurs. Il livre quelques vignettes magnifiques. C’est un livre qu’on a envie de relire, d’offrir aux gens qu’on aime. Une magnifique réussite.