L'histoire :
Depuis combien de temps est-il insomniaque ? Il l’ignore, car il est également amnésique… et il erre dans la campagne, hirsute et désabusé, sans trop savoir ce qu’il cherche. Puis il arrive devant un long pont de corde, qui mène à une curieuse île escarpée, avec un village et une colline protubérante au milieu. Il va jusqu’au saloon et en entrant, il salue la compagnie. L’accueil est froid et insolite : après quelques échanges, les clients s’endorment tous en même temps… et se réveillent quelques secondes plus tard tout aussi brusquement. En ressortant dans la rue, notre amnésique est agressé et assommé par deux abrutis. Il se réveille dans une cage qui se balance, sous la surveillance du shérif local. Celui-ci l’interroge en lui montrant une photo d’une fille, pour savoir s’il l’a vue. L’homme répond que non… mais le shérif s’endort subitement. Arrive alors la dite jeune fille, qui joue au cow-boy avec une banane. Elle est stupéfaite que cet homme prisonnier ne dorme pas : c’est la première fois que ça lui arrive ! D’ordinaire, elle produit un effet soporifique sur tous les gens qu’elle approche. Trop heureuse d’avoir enfin de la compagnie, elle le libère et lui explique sa triste condition. L’homme reste dubitatif. Ce n’est pas cela qui explique les curieuses réminiscences de souvenirs qui lui apparaissent en flashs. Un tissu à pois, un couteau, du sang… Que lui est-il donc arrivé de si tragique ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Fin août 2012, Jonathan Munoz avait défrayé le microcosme du 9ème art et récolté un max de distinctions avec Un léger bruit dans le moteur, un thriller d’un genre nouveau, pourvu d’un dessin semi-réaliste somptueux. Voici qu’il récidive avec Les dormants, un autre one-shot bien épais, à l’intrigue tout aussi décalée et au dessin toujours aussi exquis ! Dès les premières pages, il plante un décor nimbé de mystère et de fantaisie : un inconnu insomniaque et amnésique (il n’est pas gâté…) débarque dans un hameau insulaire à la topographie improbable, inspirée de western et de conte de fée. Alors qu’il n’embête personne, la population le ligote à un bûcher. Puis il rencontre une fille qui fait dormir les gens… mais pas lui ! Ah, et il y a aussi un tueur dissimulé sous une chasuble qui cherche à l’éliminer. Qu’est-ce qui l’a rendu amnésique ? Quel est son passé ? Qui est cette fille ? Qui est ce tueur ? Bref, il semble que ça parte dans tous les sens… et néanmoins, petit à petit des explications sur les mécanismes de cet univers nous sont proposées. Ils sont astucieux et se dévoilent non sans malice, à distance bienvenue des canons narratifs. Surtout, une nouvelle fois, le dessin velouté et stylisé de Munoz épate la galerie. Ce jeune auteur a déjà une griffe bien à lui, très souple, très artistique, parfaitement en place, qui s’inscrit au travers d’ambiances de couleurs très marquées, sans cesse à la frontière de la bichromie. En tout cas, voilà un auteur qui confirme rapidement ses belles promesses !