L'histoire :
Laura est mal connue des services de canidés : cette amichienne au pedigree incertain a disparu. Ailleurs, certains ont remarqué son absence à la séance de relaxothérapie caudale à laquelle le syndichien l’avait inscrite. Et pour cause : elle a été assassinée et son meurtre s’est accompagné de sévices prolongés (non-lancer de balle et refus de promenade). Un détective en costard, coiffé d’un Stetson, est appelé sur les lieux, histoire de faire toute la lumière sur ce qui ressemble à un crime odieux. Seulement voilà : une conspiration a fait du détective l’objet de sa quête. Une enquête de routine se transforme alors en course-poursuite contre la mort… Bienvenue dans un monde où ectoplasmes, avatars et animaux ont pris le pouvoir !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Fort d’une œuvre déjà pléthorique et unique, Blexbolex revient aujourd’hui avec un diptyque dialectique et un univers inimitable, entre la SF d’un Philip K. Dick et le récit d’aventures à la Tintin, mais où les valeurs, décors et ressorts sont totalement inversés. Dans ce polar futuriste qui se donne l’apocalypse comme horizon acceptable, les humains sont des chiens, les enquêteurs des personnages « enquêtés » et les happy-end inconnus. Ajoutez à cela un complot de nature politique dans lequel les acteurs deviennent victimes, et vous obtenez un récit kafkaïen, parano et schizo, fantaisiste et insouciant aussi, porté par des illustrations sérigraphiées et une novlangue du chaos postmoderne (crimechien, amichienne, mémopolice, manufacautonome). Ici, Blexbolex a littéralement collé images et textes en vue de produire une tension maximale et générer un sens. Pour y parvenir, fidèle à son habitude, Blexbolex utilise une gamme de couleurs sélective (livre imprimé en trichromie) et un graphisme fait d’aplats et sans trait de contour pour dessiner les formes. D’apparence artificielle et minimaliste, chaque page est en fait composée comme un tableau foisonnant à observer, gagnant en consistance grâce à l’imagination du lecteur qui peut construire son histoire en y projetant ce que bon lui semble. Pas facile d’accès mais unique en son genre, Crimechien démontre une nouvelle fois le talent et la liberté de création d’un auteur en recherche, qui ne se fixe aucune limite. L’association équilibrée des textes et des images, renfermant au final un monde sombre, violent et autoritaire, d’une inquiétante étrangeté, où avance un anti-Tintin, agent-victime et coupable idéal. La fin du monde est son programme inconscient, la fuite son salut consensuel et le malheur coloré son esthétique. Une aventure hallucinatoire rythmée par les errances d’animaux trop humains, au cœur d’un monde en déliquescence. A suivre dans Hors-Zone.