L'histoire :
En 1856, les forces impériales françaises ont déjà fort à faire en Algérie face à un vent de rébellion autochtone, qui attendra plus d’un siècle pour aboutir à la guerre et l’indépendance du pays. Les soldats français tentent en effet de mâter les populations locales par des exactions et des meurtres… en retour, ils récoltent de la haine et des attentats. Les guerriers algériens sont souvent soutenus par les incantations très efficaces des marabouts. Le jeune colonel de Neveu ne croit pas un instant à ces sornettes, qui agissent néanmoins comme un effet placebo entrainant sur les mentalités. Il décide d’aller embaucher le meilleur illusionniste français pour prouver que la magie n’existe pas, mais n’est qu’affaire de technique. Il débarque ainsi au domicile blésois de Jean-Eugène Robert-Houdin, dit Houdini, célèbre prestidigitateur. Affligé par la mort de sa fille, celui-ci a cependant arrêté ses spectacles, pour se concentrer sur la fabrication d’automates. Neveu se montre convaincant, non pas lorsqu’il explique que ses démonstrations ouvriront la voix de l’expansion coloniale en Algérie, mais parce qu’en démystifiant les marabouts, elles épargneront des milliers de victimes. Houdini réfléchit quelques jours puis accepte finalement la mission…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C’est authentique : en 1956, alors qu’il s’était retiré des scènes de spectacle pour se concentrer sur ses automates, le célèbre magicien Houdini a été envoyé par l’Etat impérial français en Algérie pour accomplir une mission très originale. L’objectif était en effet de discréditer et saper l’influence des marabouts kabyles qui attisaient la révolte contre l’occupant français grâce à leurs tours de magie. Hé oui, il y a 170 ans, le fanatisme religieux était déjà un problème, qui activait le sacrifice personnel au nom du prophète. C’est cette histoire globalement vraie que retrace Mathieu Mariolle dans ce bel ouvrage grand format des éditions Daniel Maghen, sous les crayons semi réalistes élégants et réhaussés de couleurs à l’aquarelle de l’espagnol Julen Ribas. Découpé en 7 chapitres plus un épilogue, le récit linéaire de Mariolle est fort bien construit, découpé et dialogué. Son scénario se permet juste de trahir la vérité avec la parenthèse de la mort de sa fille – Houdini n’a eu que des fils. Et s’il montre bien quelques « trucs » de prestidigitation, il se joue aussi astucieusement des explications sur la technique des marabouts, et reste ainsi à la lisière du paranormal. En tout cas, on est ravi d’enfin retrouver cet auteur attelé à un beau récit « de genre », après des années passées à œuvrer pour des licences (Foot 2 Rue, PSG, Nota Bene…).
