L'histoire :
Écosse. Au château d’Inverness, Lady Macbeth apprend le retour de son époux, Lord Macbeth, victorieux d’une bataille particulièrement sanglante. À peine descendu de cheval, Macbeth lui raconte la violence des combats et la crainte constante que le sort se retourne contre eux. Il lui annonce aussi que le roi l’a nommé baron de Cawdor, en remplacement du précédent seigneur, reconnu traître au royaume. Pour célébrer cette victoire et cet honneur, le roi Duncan, accompagné de ses fils Malcolm et Donald Banquo, ainsi que de plusieurs barons, est invité à passer la nuit suivante au château d’Inverness. Macbeth confie également à son épouse une rencontre troublante survenue sur le chemin du retour, alors qu’il marchait avec Banquo sous une pluie battante, encore exalté par la victoire. Une fumée âcre s’est élevée non loin d’eux, attirant leur attention. Ils se sont alors retrouvés face à trois femmes étranges, assimilées à des sorcières. Celles-ci ont salué Macbeth en l’appelant baron de Cawdor, un titre qu’il venait tout juste de recevoir. Puis ils lui ont annoncé qu’il deviendrait roi. Macbeth, stupéfait, les interroge sur leur nature et sur l’origine de leurs paroles. Lady Macbeth interprète cette rencontre comme celle des sœurs du destin, figures prophétiques comparables aux Parques de la mythologie, qui président au sort des hommes. Le lendemain, le roi Duncan arrive à Inverness avec sa suite. Il est accueilli chaleureusement par Macbeth et son épouse. Un grand banquet est organisé pour honorer les invités après une journée éprouvante de voyage. Lors du festin, le roi porte un toast à Macbeth, désormais baron de Cawdor, soulignant que sans lui, l’Écosse serait tombée aux mains de la Norvège.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec Macbeth, Paul et Gaëtan Brizzi poursuivent leur passionnante exploration des grands textes fondateurs de la littérature occidentale. Après Dante, Cervantès ou Gaston Leroux, ils s’emparent ici de l’une des tragédies les plus sombres de Shakespeare, et en livrent une adaptation radicale, resserrée, presque hypnotique. L’Écosse qu’ils donnent à voir est une terre de légendes, de brumes et de fatalité. Un royaume imprégné de croyances ancestrales, traversé par la parole prophétique des sœurs du destin, figures quasi mythologiques, proches des Parques de la tragédie antique. Tout ici renvoie à une mécanique implacable : celle de l’ambition, de la soif de pouvoir, et de la culpabilité qui en découle. Macbeth et Lady Macbeth avancent vers le trône à coups de sang versé, mais chaque pas les enfonce un peu plus dans la folie coupable, les hallucinations et la décomposition morale. Sur le plan narratif, les frères Brizzi font le choix d’une grande condensation du texte. La prose shakespearienne, habituellement foisonnante et oratoire, est ici épurée au profit de la puissance des images. Ce parti pris fonctionne pleinement : le récit gagne en densité dramatique ce qu’il abandonne en verbiage, et laisse au lecteur l’espace pour ressentir plutôt que pour entendre. Graphiquement, l’album impressionne. Le noir et blanc domine, profond, charbonneux, presque étouffant. Le trait au crayon de cire, vif et nerveux, donne aux corps et aux visages une expressivité saisissante. Les regards, souvent hallucinés, traduisent avec force les tourments intérieurs des personnages. Quelques pages en bichromie rouge et noir, notamment lors des prophéties ou des scènes de violence, viennent souligner la présence obsédante du sang, de la mort et du destin en marche. Plus qu’une simple adaptation, ce Macbeth est une transposition sensorielle et spirituelle. Là où Shakespeare exprimait la tragédie par la langue, Paul et Gaëtan Brizzi la font jaillir par la lumière, le contraste et la matière du dessin. Un album sombre, flamboyant, habité, qui fait de la chute de Macbeth une expérience presque physique pour le lecteur.