L'histoire :
Pablo tient un sex-shop en ville. Mais avec l’avènement des sites pornos, les affaires ne sont plus aussi florissantes qu’autrefois. Les clients ne louent plus de films sur cassettes et ils sont même blasés par les godemichets monstrueux en forme d’avant-bras virils. Tout juste lui achète t-on encore des capotes ; ou bien les ados viennent-ils se moquer des ustensiles inventifs qu’on peut trouver chez lui (et foutre le souk). La somme des loyers qu’il doit à son bailleur est désormais trop élevée pour lui… il doit mettre la clé sous la porte. Pire : son vieux fantasme d’adolescent, la plantureuse guerrière Gudrun issue d’un jeu vidéo, a tendance à s’évaporer systématiquement lorsqu’il tente de la convoquer par la pensée pour satisfaire à son plaisir solitaire. La mort dans l’âme, Pablo ferme sa boutique, rend l’appartement qu’il louait et retourne vivre chez ses parents, à la campagne. Ses parents sont persuadés qu’il tenait une librairie, qui a fait faillite. Pablo retrouve aussi son vieux pote d’enfance Emile, bricoleur et toujours de bonne volonté – il vient de retaper la toiture de ses parents, en lui ajoutant un super système d’arrosage. Pour amortir psychologiquement son retour au bercail, ses parents lui ont fait une surprise, avec la complicité d’Emile : ils ont refait sa chambre à l’identique de quand il était ado. Les mêmes posters, les mêmes vyniles, les mêmes figurines… Pablo retrouve ainsi son vieux PC, avec ses jeux vidéos et… Gudrun ! Aussitôt convoqués, ses souvenirs ont un effet immédiat sur son auto-libido. Pablo se tape la branlette de sa vie. De quoi lui donner une super idée pour rebondir professionnellement…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le sex online aura beau démultiplier le trafic web mondial en streaming, on ne trouvera jamais plus efficace pour satisfaire l’onanisme que les vieux fantasmes personnels d’adolescent. Tel est le postulat emprunté par Thomas Cadène et Joseph Safieddine pour cette histoire à réserver aux adultes, malgré le ton plutôt bon enfant de la narration et la partition graphique non voyeuriste. Après des années à tenir un sex-shop qui a périclité, leur héros Pablo, la trentaine bien tapée, trouve une sacrée idée d’investissement pour clients friqués : reconstituer l’environnement propice à l’expression ultime de leurs fantasmes de jeunesse, afin de leur procurer la pignole du siècle ! Pas besoin de matériel sexuel spécifique : leur imagination fait le boulot, après avoir pris le tremplin du souvenir parfait. L’idée est intéressante, même si sa réalisation concrète paraît un tantinet saugrenue (reconstituer l’environnement strictement fidèle au souvenir des quidams est une gageure). En somme, les auteurs réinventent, à l’aune de la sexualité solitaire, un principe maintes fois éprouvé par les thérapeutes et les scénaristes spécialisés en frissons de tous bords : la puissance d’évocation personnelle, l’auto-conditionnement psychologique, sont bien plus puissants que tous les artifices, aussi concrets soient-ils. Amusante et légère, cette histoire de plus de 150 pages (qui s’avalent d’une traite !) a donc du fond, et elle se présente au lecteur à travers un dessin de Pierre Thyss aussi simple, rond et coloré que les formes généreuses de la plantureuse Gudrun. Raaââh lovely !