L'histoire :
Sur un îlot paisible oublié dans un marais, l’innocent petit poussin Abélard passe son temps en compagnie de ses amis, à pêcher en journée et à jouer aux cartes en sirotant des binouzes en soirée. Cette morne tranquillité est ce qu’il apprécie, mais aussi ce qui le mine. Comme pour insuffler une direction à chacun de ses quotidiens, il tire chaque jour, de son grand chapeau, un petit carton sur lequel est inscrite une petite maxime philosophique. « Si ce que tu as à dire est moins beau que le silence, alors tais-toi ». Et puis ce jour là, Abélard tombe amoureux, au premier regard, d’une jeune fille prénommée Épilie. Avec une poignée d’amis, elle est venue passer le week-end dans la maison de l’orme, fête et détente au programme. Abélard reste béat devant son corps de rêve et son sourire. Il ose lui offrir une fleur… une démarche dérisoire, à en croire ses amis. Pour séduire Épilie, il faut lui décrocher la lune. Ingénu et volontaire, Abélard tente le coup, la nuit suivante, armé d’un filet à papillon et d’une longue échelle. Mais la lune est trop haute, inaccessible. Et puis Épilie s’en va. Abélard est d’une tristesse abyssale. Il tire un petit papier : « Si tu veux être apprécié, meurs ou voyage ». C’est décidé : le lendemain, son baluchon sur l’épaule, il part…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C’est l’histoire d’un petit poussin, tout chétif et innocent, proche cousin de Caliméro, qui attrape soudainement son destin en main, poussé par le coup de foudre qu’il éprouve pour une jeune femme inaccessible. Décrochera t-il son cœur ? On le saura peut-être au prochain tome, mais ce n’est sans doute pas là l’essentiel. Le premier tome de ce road-movie animalier et initiatique résonne comme une ode à la bonté humaine, à la fois quête de soi et ouverture vers l’autre, une aventure pour les courageux, emplie d’incertitudes et de rencontres… parfois périlleuses. Le contexte historique est vaguement situé au début du XXe (puisqu’on évoque les débuts de l’aviation), mais il est surtout intemporel et parfaitement adapté aux sujets de société d’aujourd’hui. Comme par enchantement, les maximes que ce fragile héros tire de son chapeau (magique ?) sont à-propos et offrent pertinemment des solutions à ses désarrois. A travers ce scénario exquis signé Régis Hautière, tout est dit sur la vie, en peu de mots, avec un dessin emprunt d’une remarquable poésie. Renaud Dillies fait valser ses crayons et sa plume, dans des circonvolutions d’un lyrisme absolu et néanmoins d’une belle modernité. Les personnages sont expressifs et attachants ; le découpage et les choix artistiques nous assènent régulièrement des baffes visuelles, à l’image de cette double planche centrale, représentant le chemin tortueux du destin. La colorisation mesurée de Christophe Bouchard complète justement et sobrement la partition, à l’aide de teintes éteintes. Bref, voilà un joli conte philosophique, poétique et social, prévu en 2 tomes (la suite est déjà annoncée en septembre 2011), du genre à décrocher son ticket dans la sélection officielle du prochain festival d’Angoulême…