L'histoire :
Gaston est désormais sur la route avec le petit Alvin, le fils d'une prostituée qu'il avait rencontrée lorsqu'il travaillait à New York, et avec qui il aimait parler. La jeune femme, battue à mort par un client, a confié le garçon à Gaston, avec une somme d'argent. Ils sont accompagnés de Jimmy, l'étrange créature au visage en forme de boule, échappé de la roulotte d'Ezéchias. Coiffé du chapeau d'Abélard, il fournit les petits messages que le chapeau produit comme par magie, même si depuis quelques temps ils sont beaucoup plus obscurs et parfois carrément absurdes. Mais peu importe, Alvin bombarde Gaston de questions impossibles sur tout ce qu'il croise, tandis qu'ils s'approchent de Crapeville. Ils doivent trouver dans la ville peu accueillante la famille d'origine d'Alvin, pour que le jeune garçon retrouve un foyer. Sur le chemin, ils croisent des champs où travaillent de véritables esclaves, enchaînés semble-t-il uniquement parce qu'ils ont un bec. Et en arrivant à destination, ils voient de leurs propres yeux la haine entretenue par Ezechias lui-même, prédicateur de rue qui promet le jugement dernier à tous ceux qui ne suivraient pas sa parole soi-disant inspirée de Dieu. Dans cette atmosphère délétère, ils retrouvent chez un pseudo marabout le lieu où habiterait la famille d'Alvin, qu'ils vont aller rencontrer.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Regis Hautière et Renaud Dillies poursuivent leur fable humaniste et drôle avec, pour ce deuxième diptyque, le duo formé de Gaston et Alvin au cœur de l'action. La délicate surprise d'Abélard est certes passée, mais le monde imaginaire d'Hautière continue de s'enrichir, touchant à la manière des dessins animés grand-public des sujets graves avec légèreté. Les personnages s'ajoutent petit à petit, tandis que nos héros avancent en découvrant le monde comme dans un road-movie. Gaston devient de plus en plus responsable du devenir d'Alvin, tandis que le gamin s'appuie visiblement et un peu malgré lui sur celui qui le protège avec force et courage. La série est toujours aussi graphiquement séduisante, la patte de Dillies et les couleurs très subtiles de Christophe Bouchard donnant à l'album cette griffe visuelle unique qui tranche complètement avec la production mainstream. Même si tout dans cet album pourrait ressembler à une série destinée à la jeunesse, la subtilité des sujets abordés et parfois la dureté des situations décrites vont au delà d'un exercice ciblé pour un public précis. Les adultes confirmés y trouveront une touche de poésie absurde qui rappelle par exemple le travail de Fred sur Philémon dans les années 70. Les lecteurs peu familiers du monde de la BD découvriront une sorte de passerelle entre leurs lectures d'enfants et les grands classiques de la littérature. Alvin est une nouvelle très jolie histoire, faussement naïve et diablement bien racontée.