L'histoire :
1831, le capitaine Benoit vient de quitter le port de Nantes à bord de sa divine Catherine pour se livrer « à un commerce dégradant » et sillonner l'Atlantique. C'est un négrier. Après avoir essuyé une tempête, il est sauvé par Van Harp, un négociant blanc d'Afrique. Parmi les esclaves sur le marché, l'un retient l'attention de Benoit. C'est Atar Gull, une force de la nature, un esclave bâti comme Hercule, une bête qui dégage une force animale hors du commun : son prix est élevé. C'est décidé, Benoit l'achète pour espérer faire une plus value lors de sa revente. Il vaut au bas mot 500 livres, autrement dit une petite fortune. Alors sur son bateau pour entamer la traversée de l'Atlantique, Benoit est attaqué par des pirates. Leur objectif : voler les esclaves de Benoit pour les revendre en Amérique et réaliser un petit bénéfice. Benoit assassiné, le pirate voleur de « bois d'ébène » se dirige tout droit vers les Antilles, après avoir tué tout l'équipage du Catherine et jeté par dessus bord les esclaves inutiles. Direction la Jamaïque désormais, là où se trouvent les plantations et les marchés d'esclaves... Des soutes d'un négrier jusqu'à la Jamaïque, des marchés aux esclaves au cœur des plantations, le destin d'Atar Gull ne pourra être que tragique...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Librement adapté d'un roman d'Eugène Sue, Atar Gull raconte le destin d'un esclave nourri de haine et consumé par le désir de vengeance. Plus qu'à la liberté, cet hercule asservi aspire à châtier ceux qui l'ont un jour assujetti. A travers le destin original d'un « esclave modèle » pas comme les autres, Fabien Nury nous raconte le passé esclavagiste des nations européennes. On (re)découvre un monde où l'esclavagisme est dans l'ordre des choses, à la fois légal et encouragé, et dans lequel les captifs ont le statut de bêtes de foire. Des maîtres qui se croient humanistes, des revendeurs sans morale, des scènes crues et violentes (esclaves jetés par dessus bord, cas de cannibalisme, corps mesurés et évalués) le tout assaisonné d'une bonne dose de naïveté d'époque : voilà le tableau sombre et réaliste de la traite négrière au XIXème siècle. Porté par un trait aussi sobre qu'efficace, le graphisme de Brüno est sublimé par la mise en couleur de Laurence Croix, alternant ambiances crépusculaires ou enflammées, parfois bercées d'une douce tropicalité. Sans oublier des planches en cinémascope qui ménagent des pauses contemplatives bienvenues. Le visuel est magnifique. Si le scénario a quant à lui du mal à prendre son envol, une fois les jalons posés, le récit défile avec ce qu'il faut de surprise pour capter l'attention. Bien documentée et loin de tout bon sentiment, la BD fait œuvre de travail de Mémoire. Autant une critique de la société paternaliste qu'une fresque historique instructive, Atar Gull sonne comme une réussite qui, une fois la lecture achevée, nous laisse hébétés : qui sauver dans ce récit noir où tous les personnages, complexes et ambigus, sont tour à tour bourreaux ou victimes? A chacun d'en décider...