L'histoire :
Freddy sort d’une bouche de métro, dans le quartier de Belleville. Il traverse une brocante animée, faisant sa sale besogne : racketter quelques créanciers bien identifiés, pour le compte d’un proxénète polonais, Jadzec. Freddy est lui aussi un salopard : il n’hésite pas à cogner un père devant son fils, quand celui-ci n’a plus un rond et qu’il ne peut honorer ses dettes. Mais c’est ainsi qu’il faut faire, Freddy connaît la loi impitoyable du milieu. Après avoir rejoint Jadzec dans sa camionnette, ils se rendent ensemble à un rendez-vous nocturne, sur un terrain vague en bord de périph. Il s’agit de refourguer un plein chargement d’appareils high-tech à des caïds concurrents, très dangereux. Devant eux, il ne faut surtout pas se montrer faible, sinon on se fait bouffer. Des gouttes de sueur sur la tempe, Freddy leur balance quelques répliques bien senties et ouvre la camionnette. Surprise : en lieu et place d’appareils high-tech, il y a une vingtaine de clandestins chinois. La surprise n’est pas du goût de la bande rivale et le rendez-vous tourne immédiatement en pugilat. Une entaille à l’épaule, Freddy parvient à se tirer avec Djazec et la camionnette. Pendant ce temps, un mystérieux chinois, Mr Zhu, tout sourire, avec un bob ridicule sur la tête, débarque à Roissy. Il est venu en France pour y trouver « quelqu’un »…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Entre deux tomes de Taïga rouge (un superbe Aire libre de Dupuis), les auteurs Arnaud Malherbe (le scénariste) et Vincent Perriot (le dessinateur) nous offrent une parenthèse – elle aussi en diptyque – en forme de polar noir, violent, dans le milieu des caïds et mafias parisiennes. D’emblée, 3-4 planches totalement muettes nous immergent définitivement dans le microcosme interlope du quartier de Belleville (souvent appelé quartier chinois). On y suit un caïd agressif, qui dépend d’un autre encore plus violent, qui dépend d’un autre… et on se laisse incroyablement absorber par un engrenage de trafics particulièrement haletants et dangereux, qui se transforment peu à peu en traque et contrat mortel. Alternant scènes contemplatives et séquences d’action, ponctuée de dialogues incisifs et contemporains, la mise en scène, très cinématographique, insuffle le suspens ad hoc. Le dessin, montrant la même modernité que pour Taïga rouge, et coloré à l’aide de judicieuses teintes éteintes et grisâtres, permet d’installer l’atmosphère glauque idoine. Sur le plan narratif, on touche ici au nec plus ultra de l’art séquentiel : le lecteur EST dans la BD et frémit avec les protagonistes au fil des tensions qui se nouent. Comment Freddy va-t-il se sortir de cette situation très (très) compliquée ? Comment va évoluer sa relation avec ce mystérieux chinois : va-t-il le tuer pour honorer sa promesse ou s’en faire un ami ? A découvrir dans une seconde partie de diptyque… ou dans le téléfilm réalisé par Malherbe et calqué sur la stricte même histoire (diffusé sur Arte en mars 2010 et premier prix de la « Fiction TV » au festival de la Rochelle).