L'histoire :
Au sein d’une colonie terrienne sur une planète lointaine, Luanne est l’une des pilotes les mieux notées de sa promotion. Ce jour-là, on lui confie pour la première fois la responsabilité d’un dirigeable, qui a pour objectif de ravitailler une plateforme minière offshore. Les instructions sont claires : interdiction absolue d’interférer sur l’écosystème local, qui manifeste ces dernières semaines des signes d’agressivité inhabituelle. Elle se coltine un stagiaire, Childéric, le fils pistonné d’un des principaux actionnaires, ainsi qu’un capitaine alcoolique et véreux… En effet, le capitaine est soudoyé par un mystérieux balafré : il doit profiter de la mission de ravitaillement pour faire passer en secret une mystérieuse cargaison. Le dirigeable décolle enfin. Luanne découvre alors que, comme elle le suspectait, Childéric est un véritable boulet chétif et incompétent. Pire encore : le capitaine est libidineux et alcoolo au dernier degré : une nuit, alors qu’il est de garde au poste de pilotage, il se saoule et tombe ivre sur le manche à balais. Le dirigeable plonge alors et s’écrase sur une zone recouverte d’une végétation luxuriante. Luanne se réveille en sursaut et enrage. Elle cherche aussitôt à détruire les réserves d’alcool du capitaine et découvre… des caisses pleines d’armes ! Or, la situation se dégrade rapidement : dans son délire éthylique, le capitaine tire sur une bestiole de la forêt et l’« esprit » de celle-ci se matérialise en parasite et entre dans sa gorge ! Tout ce que ce coin de jungle regorge de bestioles volantes ou rampantes se met alors à attaquer, comme s’il s’agissait d’une conscience unique. Luanne et Childeric attrapent les armes de la cargaison clandestine et le carnage commence…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Assurément, Bestioles se démarque de la production « bédéistique » traditionnelle. Le format, tout d’abord : grand, épais, 70 planches (et donc plus cher)… étrange. Le dessin, ensuite : réalisé par Ohm, le dessinateur de Bao battle, il s’apparente plus au manga enfantin qu’à la BD franco-belge : les personnages sont zoomorphique, le trait est rond, faussement naïf, et cela convient fort bien à ce drôle de contexte de science-fiction. On retrouve souvent l’atmosphère de l’excellent Biotope (Brüno et Appollo) à travers cette veine graphique épurée, aux lignes « propres », mais surtout en raison du scénario d’Hubert, très proche. Le contexte est en effet quasi identique : sur une planète luxuriante, où vivent d’innombrables petites bestioles inoffensives par la taille, une colonie terrienne prospère et exploite les ressources minières. Evidemment, la loi de la préservation de l’écosystème leur interdit tout contact avec la nature ; or un groupe de méchants transgresse cette loi et établit une communauté belliqueuse, qui fonctionne sur le modèle sectaire. A travers la mésaventure de ce trio mal assorti (la héroïne Luanne, l’apprenti Childéric et l’anti héros capitaine), Hubert brasse des thématiques qui s’accordent pas mal entre elles : écologie, respect « ethnologique », fondamentalisme religieux, détournement idéologique… Mais le plus insolite demeure le découpage très particulier : sur les ¾ de chaque page (en haut), on suit l’aventure humaine ; et sur une bande du bas (1/4 de chaque page), on a le point de vue parallèle des bestioles. Si on s’évertue donc à suivre deux récits en même temps (ce qui n’est pas toujours hyper facile), les deux trames se rejoignent parfois et ne font plus qu’une (lors des confrontations humaines/bestioles). Un parti pris risqué et intéressant, pleinement assumé à défaut d’être tout à fait convaincant. Enfin, si l’issue de l’aventure trouve un dénouement satisfaisant, la porte reste ouverte pour une suite…