L'histoire :
Charlie est une petite souris blanche qui vit seul dans une grande maison. Il est écrivain de métier et guitariste de passion, fan absolu de Django Reinhardt. Mais surtout, il est… seul, très seul. Ça a des avantages d’être seul : on bosse quand on veut, on se distrait quand ça nous prend, on passe une énième nuit blanche si on le sent comme ça. Et puis ça n’est pas vraiment pesant, question d’habitude. Enfin… dernièrement, Charlie se pose des questions tout de même. Ça commence le jour où une girafe vient accrocher une guirlande sous sa fenêtre. Un grand carnaval se prépare. Charlie papote un peu en soignant ce nouvel ami (il vient de se taper sur les doigts) et prend soudain conscience de l’enfermement de sa vie. Le lendemain, c’est un tout petit oiseau bleu qui se présente à lui : il s’appelle « Solitude » et sera désormais toujours à ses côtés lorsqu’il se sentira seul, aussi paradoxal que cela puisse paraître… C’est malin, avec toutes ces rencontres, Charlie en perd l’inspiration. Il somnole un instant, le temps de rêver qu’il participe à une grande foire, et qu’il monte, contre son grès, à bord de la nacelle d’une grande roue, gigantesque. Or Charlie a le vertige. Solitude apparaît alors et lui assène une leçon, prenant la symbolique de la roue et de la hauteur de vue pour qualifier son œuvre…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après 3 one-shot foncièrement lyriques et couverts de prix (Betty blues meilleur premier album à Angoulême, Sumato et Mélodie au crépuscule), Renaud Dillies quitte l’éditeur Paquet qui l’a lancé, pour intégrer aujourd’hui la plus grosse maison d’édition de BD, Dargaud. Une fois encore, dès les premières pages, on est happé par la poésie qui se dégage des réflexions et des aventures oniriques de cette petite souris toute trognonne. Charlie, artiste dans l’âme, se satisfait certes de sa vie solitaire, mais elle lui donne aussi l’occasion de réfléchir. Il se lance alors dans des variations spirituelles sur le thème de la création et de l’inspiration, de la solitude nécessaire ou subie. Le conte animalier prend alors la forme d’une quête initiatique de l’artiste face à son destin, face à l’aboutissement de son œuvre. Les questions philosophiques savamment distillées pullulent : faut-il se mettre en marge du monde pour atteindre les sommets créatifs ? A l’instar de la bulle de savon, l’œuvre de l’artiste ne serait-elle pas éphémère ? Dès lors, quel sens donner à la création, vaniteuse en soi ? L’œuvre produite mérite-t-elle le sacrifice de l’artiste ? Or, également dans la forme, un style graphique simple mais limpide, maîtrisé et éloquent, cette histoire est emprunte d’une immense poésie. Un bien bel ouvrage, intelligent et exquis de surcroit, pour tout public, appréciable différemment selon la sensibilité de chacun. Il est décidément très fort, ce Dillies…