L'histoire :
Le 22 octobre 2012, soit une semaine après la victoire de François Hollande aux primaires socialistes, Mathieu Sapin se pointe à la halle Freyssinet, quelques heures avant que se tienne la commission d’investiture. Il explique à l’entrée qu’il est un auteur de BD qui réalise un reportage sur les coulisses de la campagne de François Hollande. Au début, l’entourage du candidat est méfiant : il lui faut montrer patte blanche et convaincre du bien-fondé de sa démarche. L’attachée de presse cantonne Sapin dans une zone délimitée par une ligne au sol, en compagnie d'un pool de photographes, très loin de la scène où les ténors du parti déclament leurs discours. Dans les jours qui suivent, Sapin bénéficie de l’appui du député Olivier Faure, conseiller auprès de François Hollande, qui lui ouvre la porte de Vincent Gravel, Directeur de Cabinet de François Hollande. Un premier entretien permet de bien caler la proximité et le rapport de confiance ; le reportage embarqué peut débuter. Cela reprend donc début décembre, lors d’un déplacement au Creusot, pour une visite d’usines. Dans la voiture-bar du train, Sapin assiste à un « off » avec Manuel Valls…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après quelques facéties sympatoches mais un peu faciles (Supermurgeman, La fille du savant fou…), Mathieu Sapin semble avoir trouvé un crédo séquentiel autrement plus mature. Comme il l’avait fait avec Feuille de chou (un reportage bédéssiné sur le tournage du film sur Gainsbourg) puis Journal d’un Journal (un reportage bédéssiné sur les arcanes Libération), il propose aujourd’hui un second reportage en BD durant les 6 mois où il fut « embeddedé » (c’est-à-dire officiellement infiltré) au sein de l’équipe de campagne de François Hollande. Certes, l’équation Libé + Hollande vous amènera certainement à en déduire que l’auteur frise le gauchiste de base se complaisant dans son giron idéologique… Et bien même pas. Sapin affirme – et revendique presque – n’y rien connaître en politique. Rendez-vous compte : il n’est même pas de la famille du ministre homonyme ! Or rien, à aucun moment, ne permet de douter de sa sincérité, quant à l’ingénuité confondante qui donne le ton et l’intention de sa démarche. Muni de son carnet de croquis et de son dictaphone, Sapin a donc « basiquement » suivi François Hollande et son entourage au cours des grandes étapes de la Campagne présidentielle, depuis la date de son investiture par le PS (le 22 octobre 2012), jusqu’au soir de son élection effective (le 6 mai 2012). A l’aide de son dessin élémentaire et sans prétention, les 68 planches de BD qui en résultent retranscrivent des « impressions » à froid, naïves et dénuées de toute prise de position, humblement recueillies depuis son unique personne. De shows médiatisés en briefs restreints, de déplacements provinciaux en petits fours, Sapin alterne les séquences longues et les parenthèses en strips, cherchant en permanence à raffermir la confiance afin d’approcher au plus près le candidat. Intéressant et jamais ennuyeux, ce parti-pris de témoignage et la nature de la démarche font la grande force de l’ouvrage. C’est sans doute le meilleur moyen de relayer l’aventure politique à l’intention d’un très large public, tout en restant riche d’enseignements sur les rouages d’une équipe de campagne. Pour le fond, on s’étonne notamment que malgré un verrouillage impressionnant de sa communication et un coaching très serré, le candidat ait conservé son authenticité et une large part d’improvisation. Pour la forme, on se réjouit surtout de constater que le médium BD se montre incroyablement pertinent pour l’exercice…