L'histoire :
1942, le major Antoine Robillard et le premier maître Maurice Rivière, tous deux militaires au sein du BCRA (Bureau Central de Renseignement et d’Action, dépendant directement de De Gaulle, à Londres), traversent le désert de l’Afrique du Nord. Bloqués par une tempête de sable, ils sont contraints de s’arrêter. Le lendemain, ils se retrouvent dans le fort de Thélème, « principauté libre et bienheureuse du Sahara ». Ils ont été recueillis par une caravane de Touaregs alors que leur véhicule était à moitié enseveli par le sable. Dans ce fort habitent Colette et Maxime Loiseau. Ce dernier est à la fois vaguemestre de Thélème et marseillais passionné de pastaga. Zoé, Aïcha et Léopoldine sont quant à elles les « danseuses » officielles du fort… Il est aussi question d’un mystérieux Jean-Baptiste, sans doute l’homme recherché par les deux agents du BCRA. Dans ce décor paradisiaque, pourtant, la peur de lendemains qui déchantent est latente. Non loin, dans les dunes ensablées du Sahara, rôdent les Alliés et les soldats de l’Afrika Korps… Quelle est la mission de ces deux agents ? Que sont-ils venus chercher dans ce paradis perdu?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après deux volumes séduisants, Appollo et Brüno reviennent avec un troisième album toujours aussi original, en complet décalage avec tous les récits de guerre traditionnels. Pourtant, les atrocités du conflit ne nous sont jamais épargnées : explosions, bombardements, minages et égorgements nous révèlent la monstruosité de la guerre. L’horreur est d’autant plus exacerbée que l’ambiance proposée est légère et les dialogues anecdotiques, en apparence du moins. Les auteurs font en effet toujours référence à ce « paradis » isolé au milieu du Sahara qu’est le Fort Thélème. Le Fort Thélème, c’est la colonie fantasmée avec son Marseillais et ses « danseuses », la promesse du bonheur éternel, le sanctuaire rassurant, le refuge inviolable... C’est le territoire idéalisé par excellence. Pourtant, c’est aussi le paradis artificiel à l’équilibre fragile, vite rattrapé par l’enfer de la guerre. Les décors oniriques conjugués à l’atmosphère exotique confèrent au récit une douce pesanteur mêlée d'angoisse latente, donnant au lecteur l’impression d’un rêve éveillé mais menacé. Ajoutez-y une touche d’humour ainsi qu’un trait simple mêlant ligne claire et « nouvelle vague », et vous obtenez un procédé malin, d’une redoutable efficacité. Oscillant en permanence entre chronique coloniale légère et récit de guerre tragique, les auteurs distillent une tension palpable qui fait tout le charme de la série. Ambiguïté des relations et jeu de masques ajoutent quant à eux de la complexité au scénario, même si le tome 2 jouait mieux sur l’ambivalence des rapports entre personnages. Au final, à l’image de la série, l’album séduit autant par la simplicité de la forme que par le traitement décalé d’un sujet grave.