L'histoire :
Florence est sur un lit d’hôpital. Elle appréhende d’en sortir. Sa mère, au bout du fil, lui rappelle un souvenir qu’elle n’a pas forcément envie d’entendre. Les nombreux animaux de compagnie que ses sœurs et elle ont eus, étant enfants, et qui leur ont appris le spectacle de la vie… En 1982, à Buenos Aires, où son père travaille et où ils sont donc « expatriés », Florence reçoit à Noël, comme sa jumelle Bénédicte et leur aînée Violette, un cochon d’Inde qu’elle appelle Noisette. Elle appellera tous ses animaux de compagnie Noisette. Mais le petit animal ne vit pas vieux. Les filles jouent sans cesse avec eux, et Florence a l’idée de mettre Noisette sur une branche pour sauter dans ses bras. Le cochon d’Inde, terrifié, s’écrase par terre et meurt. Florence s’en veut, se dit qu’elle aurait dû y penser… ou peut-être l’a-t-elle fait exprès ? C’est le début d’une longue, très longue liste d’amitiés contrariées avec les petites bêtes, à poils ou à plumes…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On le sait désormais, Florence Dupré La Tour est complètement chtarbée. Après son blog de critiques BD délibérément méchant, Mea Culpa, et son autobiographie heroïc-fantasy Cigish ou le maître du Je, elle livre ce Cruelle qui revient sur ses jeunes années, et notamment sa relation aux animaux. Elle y raconte comment elle a fait souffrir, mutilé, tué ses animaux de compagnie ou ceux de ses sœurs, par naïveté, amusement malsain, cruauté ? Elevée dans la religion catholique, par des parents pieux, elle se pose perpétuellement cette question de la conscience de ses actes. L’a-t-elle fait sciemment ? Etait-ce de la pure cruauté, ou bien de l’insouciance, de l’inconscience ? Au travers de ces expériences de la vie et des réflexions qu’elle en tire, l’auteure découvre les rapports de domination inhérents au règne animal et donc, à l’être humain. Petit à petit, elle découvre ce qu’elle ne veut pas être, et c’est ce qui la forge en grandissant. On est tout de suite happé par la nudité des propos de Florence Dupré La Tour. Elle arrive à décortiquer les horreurs joviales des enfants, de l’enfant qu’elle fut (peut-être ?) avec une clarté et une vérité à la fois jubilatoires et confondantes. On se rappelle au moins un moment de notre enfance dans la sienne, et on se retrouve en culottes, en train de se demander si on est méchant, ou bête, ou si c’est juste comme ça (la troisième question, c’est l’adulte qui la pose…). Bref, c’est excellent. En outre, son dessin en noir et blanc, naïf, aux cases vaporeuses, est d’une grande efficacité. Les plans sont variés, les tailles des vignettes aussi, et on se rend compte assez vite que, en plus d’être chtarbée, l’auteur est extrêmement douée. Elle a parlé d’une série autobiographique, alors on attend avec impatience les claques qu’elle va mettre à sa famille, ses relations, elle-même et… ses lecteurs.