L'histoire :
Nico et Rocco, deux journalistes, roulent vers Salerne à la rencontre d’Antonio Angelicola, dit Ninella. Ils souhaitent prendre avec lui le bateau en direction de l’archipel des Tremiti, pour un voyage dans le passé du vieil homme qui alimentera leur reportage. Et si Angelicola se montre réticent devant caméra et micro, il finit tout de même par bribes à faire resurgir son douloureux passé… Ninella a 75 ans. Il vit depuis toujours à Salerne où ses parents tenaient un atelier de confection. En juillet 1938, il travaille, depuis la mort de son père, avec son frère ainé et sa mère et mène une vie sans histoire. Il y a bien cette salle de bal prés de la place, qu’il fréquente régulièrement en compagnie de quelques jeunes hommes, qui pourrait bien attirer les foudres de l’ovra (la police secrète du parti fasciste). Mais cette éventualité semble plus inquiéter son frère qu’Antonio. Pourtant, un soir d’août 1938, dans les bois de la ville, alors qu’il pense avoir séduit un beau garçon, il est arrêté et molesté par la police. Juger coupable de pédérastie passive et dans « (…) un souci de sauvegarde des bonnes mœurs et de l’intégrité de la race (…) », il est, faute de loi, confiné à l’isolement pour 5 ans sur l’ile de San Domino des Tremiti. Arrivé sur l’île, il est surpris de voir l’accueil chaleureux et le spectacle que lui réservent les autres prisonniers.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le titre de l’ouvrage reprend une assertion mussolinienne n’ayant pas d’autre objet que de nier purement et simplement l’homosexualité. Ainsi, subtilement monté en flashbacks à partir d’un témoignage, l’album permet de s’attarder sur une période nauséabonde de l’Histoire italienne et de l’un de ses aspects les moins connus. Grâce au témoignage de ce « Ninella » vieillissant, nous découvrons en effet une Italie parquant sur une île, pour mieux en dissimuler l’existence, des hommes n’ayant commis aucun crime, mais simplement homosexuels. L’ouvrage, excessivement bien documenté, distille avec justesse et sans effet à velléités empathiques, la vie d’une communauté peu ordinaire : des hommes profondément meurtris par l’injustice et l’humiliation, mais toujours attentifs au bien être des autres et profondément attachés à une certaine forme de gaieté dans leur vie. En choisissant une narration faite d’allers-retours, entre passé et présent, mais également rythmée par le jeu des rapports entre les journalistes et Antonio, l’album va au delà du simple et nécessaire témoignage historique : il pose la question du regard de l’autre et de la place de l’homosexualité dans nos sociétés. Il entame également une réflexion sur les remous provoqués par le fait de se raconter. Le trait élégant, agrémenté d’une bichromie douce, renforce l’émotivité latente du récit tout aussi paradoxalement que son apparente sérénité. Un ouvrage sensible et indéniablement nécessaire pour continuer chaque jour de s’armer de tolérance et de sensibilité.