L'histoire :
L’œuvre de Gotlib a longtemps été diffusé dans la presse. C’est donc après coup que l’auteur a réuni ses planches pour des séries en bande dessinée. Les Dingodossiers, La Rubrique à Brac ou encore Gai Luron ont été conçus de cette façon. Cependant, la sélection des titres et la publication reflètent mal la chronologie des productions de Gotlib, puisqu'il a fait des choix en écartant certaines pages et en en ajoutant d’autres. Petit à petit, Gotlib s’émancipe de la rigueur de René Goscinny et ses pages montrent l’étendue de son talent graphique et son art de la narration. C’est dans les années 1965 qu’on voit émerger Isaac Newton. Mais c’est à la fin des années 1966 que son talent explose. Les rédacteurs en chef de Pilote lui laissent plus de place et il produit beaucoup plus de couvertures. Gotlib osera même croquer une réunion de la Rédaction de Pilote ! Dans le même temps, Vaillant et le journal Pif font la part belle à Gai Luron avant que les aventures désopilantes du chien joyeux paraissent en format poche. Il fallait donc revenir sur le véritable ordre chronologique des parutions de Gotlib qui mêlent allègrement toutes ses séries farfelues.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dargaud et Fluide Glacial ont la bonne idée de rééditer en intégrale les œuvres du regretté Marcel Gotlib, peu de temps avant Noël. Au programme dans ce beau volume de 240 pages, l’année 1967, année faste du maître de l’humour puisqu’il cumulait plusieurs séries en même temps : Les Dingodossiers et Gai Luron. C’est aussi l’année de l’indépendance où l’artiste se démarque petit à petit et prend son envol, annonçant bientôt son chef d’œuvre : La Rubrique à Brac. En vrac, vous trouverez ici les coulisses du cinéma, les aventures de Gailurobin des bois, des voyages interstellaires atypiques, la rencontre Gai Luron/ Dolly, les parenthèses scientifiques du professeur Burp, les parodies de La Fontaine, les mésaventures de Chaprot à l’école, le courrier de Jean-Pierre Liegois du Var, les apparitions de héros du Journal Pilote ou leurs créateurs… Le tout avec une tonne de blagues potaches, des chutes hilarantes et un ton décalé. C’est aussi de la BD d’époque avec beaucoup de textes (l’héritage de Goscinny est encore là) mais l’intelligence et la finesse des mots donnent des calembours savoureux. Côté graphisme, on comprend bien pourquoi Gotlib est devenu une référence dans le domaine humoristique, un véritable Dieu du gag et du dessin expressif. Empruntant la folie de Tex Avery, tout est si génialement vivant et tonifiant qu’on est scotché : que ce soit les multiples langues du caméléon, les facéties de la minuscule souris qui préfigure la coccinelle de La Rubrique à Brac, les humains aux muscles saillants, sans oublier les couvertures de Pilote, les publicités ou autre annonces, Gotlib est au sommet de son art. Il joue même avec les limites du dessin en proposant des jeux divers (comme griser certaines parties du dessin, salir la planche…) pour mieux servir encore le gag. Il montre l’étendue de sa palette et il sait tout dessiner de façon parfaite : que ce soit les parodies de héros ou super-héros, les caricatures d’auteurs, les animaux, les femmes éplorées ou Gotlib lui-même, rien n’échappe à sa folie créatrice. On a en plus plusieurs inédits dont quatre mini scènes comiques avec Gai Luron… un pur régal ! Cette réédition a aussi le mérite de comprendre le cerveau bouillonnant de Gotlib puisque chaque création est remise dans l’ordre chronologique. On est donc frappé par autant d’inventivité et de diversité, l’auteur ne cherchant pas la facilité en répétant des thématiques. Dieu inventa le rire mais cela ne suffisait pas…. Il fallait un déclencheur important, un révélateur fort. Alors, il créa Gotlib et, satisfait, il vit que cela était bon !
