L'histoire :
En 1957, 3 mois avant l’arrivée du vaccin en France, Jean-Charles contracte une poliomyélite qui provoque l’atrophie d’une de ses jambes. Ses parents, M et Mme Ninduab (une autre pitrerie du destin qui fit jouer l’état civil avec le patronyme « Baudouin »…), voulaient une jolie petite fille, les voilà embarrassés d’un mâle handicapé. Tant pis pour lui : ils l’appelleront Vilain et le cacheront sous la table quand il y aura des invités… Entre l’hosto qui fait souffrir et des parents au mieux indifférents, le gamin trouve un peu de réconfort en plongeant avec délice dans Popeye, Tartine Mariole ou Pepito, des bandes dessinées que sa mémé lui livre régulièrement. Il prend alors goût pour le dessin, une activité qui lui fait vite tout oublier. Un peu plus tard, il découvre grâce au développement des muscles de ses bras, un autre art qui le détend tout autant : le coup de poing ! Dessin, castagne et souffrance : sa route est tracée. Jean-Charles Ninduab, l’expert-comptable meurt pour laisser vivre Charlie Schlingo, le dessinateur de BD. A Paname, il prend ses quartiers chez sa gentille mémé Goro-Goro et entame son chemin d’artiste dans un fanzine, le « Havane Primesautier ». Il décroche bientôt un boulot chez « Charlie », sa Josette de Rechange ayant séduit le grand Wolinski. Mais le talent n’est pas toujours synonyme d’enrichissement… Le Professeur Choron qui tient les cordons de la bourse de la revue préfère lui fournir le gîte et l’alcool à volonté : une bien mauvaise idée…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Quelle nouvelle onomatopée aurait utilisé Charlie Schlingo à la lecture de cette biographie ? Bien téméraire, celui qui pourrait y risquer un pari, mais ne doutons pas que sa réponse aurait eu toutes les chances de nous interloquer… En nous faisant traverser les quelques 50 années de son existence, Jean Teulé et Florence Cestac lui rendent un hommage des plus touchants. Une traversée à fond la caisse au rythme de cet artiste déjanté (« un con ou un génie ? » dixit J-P Dionnet), Jean Teulé, ne s’embarrassant pas d’une voix-off qui risquerait de casser la magie en portant un quelconque jugement. Le scénariste fait le job en utilisant à foison les multiples témoignages qu’il a recueillis sans utiliser de pompeuses transitions pour les assembler ou refusant de dater les événements comme pour oublier le temps : seule l’inexorable descente nous sert de chronologie. Ingérable, attachant, hilarant, désespéré, imprévisible, voici le Schlingo qui nous est décrit sans aucun violon larmoyant. On se régale des multiples citations, chansons ou petits poèmes retranscrits texto, qui donnent envie de se (re)plonger dans les divers (mais peu nombreuses) publications de Charlie Schlingo. Le trait si caractéristique de Florence Cestac, si proche de celui du sujet de la biographie (nez patate, doigt patate, œil patate…) donne une terrible énergie au récit et participe beaucoup à la dédramatisation du propos. En tout cas, Jean Teulé et Florence Cestac auraient voulu empêcher le souvenir de ce surprenant artiste de s’estomper qu’ils ne s’y seraient pas mieux pris…