L'histoire :
Angéla et Marco se rencontrent pour la première fois sur la place déserte d’un village rural désert. Lui se présente comme un photographe, elle comme une thésarde sur l’art funéraire. Ils se plaisent mutuellement, mais en restent au domaine de la simple rencontre, juste un peu envoutante. Marco, qui est en fait un paparazzo, retrouve Angéla – en fait call-girl de luxe – sur ses clichés quelques semaines plus tard, alors qu’elle se livre à une partie de jambes en l’air à 3, avec un couple d’acteurs célèbres. Elle fera aussitôt la Une d’un journal people, dénudée. Quelques mois plus tard, Marco photographie à nouveau Angéla en tenue d’Eve, sur le yacht d’un riche industriel cocaïnomane. Elle repère le paparazzo, il se fait prendre, tabasser, mais parvient à s’en tirer avec la pellicule. Pour éviter de se retrouver à nouveau à poil en couverture des magazines, Angela déniche l’adresse de Marco et tente de négocier. Elle s’aperçoit qu’il lui voue un véritable culte : des photos d’elle ornent tous les murs de son appartement. Logiquement, l’affaire se résout au lit… Puis Angéla re-disparait. Enfin, un jour, elle appelle Marco pour lui demander un service : tendre un traquenard photo à un homme politique qui l’a rouée de coups. C’est le début d’une « collaboration » longue et fructueuse, entremêlant sexe, clichés et pognon…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour la première fois dans un album, le romancier et scénariste Tonino Benacquista est judicieusement associé au dessinateur Philippe Bertrand, pilier de la BD érotique soft et chic. Comme sur son précédent diptyque édité en compagnie de Fred Beigbeder (Rester normal), Bertrand reste fidèle à un style graphique un peu épais, épuré et « distant ». Peu d’émotion filtre du trait de ses personnages, mais le scénario de Benacquista, brillamment dialogué, comble pleinement ce vide. De vide, il en est néanmoins beaucoup question entre ces deux protagonistes qui s’entendent et se complètent à merveille, et qui paradoxalement s’abandonnent régulièrement. Les silences en disent souvent long et de nombreux passages fonctionnent ainsi à plein régime. Angéla et Marco trouvent leur équilibre de couple en multipliant les « coups », en se servant de manière juteuse du « people system ». Ils assument tous deux, de manière cynique, ces emplois complémentaires finalement très semblables. Car la call-girl de luxe et le photographe fouille-merde font finalement un même métier : « la pute ». Cette activité les passionne tous deux intensément, ils ne savent pas vivre en dehors du besoin de l’exercer et toute tentative de trouver un rythme de vie « normal » est une impasse. Ce faisant, Benacquista aborde de manière intelligente et sensible les dichotomies du bonheur de couple, entre désir et réalité, et égratigne au passage le star-system. Brillant et intelligent !