L'histoire :
Le 28 décembre 1895, le policier Juve est en faction devant un salon parisien où l’on exhibe une nouvelle invention : le cinématographe. « C’est d’la photo qui bouge ! » lui dit le jeune portier, qui ne parvient pas à lui faire payer l’entrée. Soudain, une jeune femme déboule en hurlant, suppliant le policier de cacher et sauver son fils du monstre qui les poursuit. Fantomas, comme ce dernier s’appelle, pénètre en effet avec fracas dans l’enceinte. Il a une carrure athlétique, il porte un masque et flingue froidement la femme. Juve réplique aussi avec son pistolet, mais Fantomas, blessé, s’enfuit. Durant seize ans, ce monstre insaisissable hante Paris et multiplie les crimes abjects. Cependant, en ce 21 août 1911, la capitale s’apprête à suivre son procès, car il a été arrêté. Or durant son audience, devant l’assistance médusée, ce diable de bandit se paye le luxe de poignarder une ménagère, témoin d’un de ses crimes, à l’aide d’une pièce à conviction, une broche à rôtir tordue. La peine capitale est évidemment prononcée et la sentence est appliquée dès le lendemain. Avant d’être guillotiné, Fantomas crie à la foule : « Je me vengerai ! » Juve, qui a dédié sa carrière à la lutte contre Fantomas, reçoit dès le lendemain des milliers de lettres de félicitations. Paris peut-elle désormais dormir tranquille ? Rien n’est moins sûr…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En raison des adaptations ciné produites dans les sixties (avec Jean Marais et Louis de Funès), le personnage de Fantomas pâtit aujourd’hui d’une image franchement ringarde. Olivier Bocquet lui rend donc ses honneurs en préambule de ce tome introductif : ce personnage de super-vilain, imaginé par Pierre Souvestre et Marcel Allain en 1911, est le père des super-héros de fiction. Il a été créé 25 ans avant le premier héros masqué apparu dans les comics américains, étrangement appelé « The Phantom »… A travers cette nouvelle série BD prévue en trois volets, le scénariste remet au goût du jour ce célèbre malfaiteur, tout en le modernisant franchement. Comme dans la série des 32 romans originaux, cela prend la forme de traques policières réitérées entre Juve et Fantomas (mais lequel traque l’autre, exactement ?), dans le Paris d’il y a un siècle. L’addiction est immédiate, tant sur le plan graphique que narratif. Le personnage irradie de charisme diabolique : il massacre sans scrupule et ses actes sont nimbés de fantasmagorie. On le dit invincible… A-t-il des supers-pouvoirs ou est-il juste plus intelligent que tout le monde, au point de tout anticiper et de défier les autorités avec arrogance ? La folie meurtrière de ce génie du mal est mise en scène et dessinée avec brio par Julie Rochereau. Ses planches très stylisées jouent sur moult techniques, dans des tons souvent glauques et sanguins, pour toujours déranger et maximiser le suspens, via le traitement. Des blancs restitués, une maîtrise du clair-obscur, un découpage savant et varié… Un régal d’inventivité ! Le dynamisme de la mise en scène se complète d’un sens du dialogue, avec un zest d’humour cynique bienvenu. On le croyait mort… mais il revient plus en forme que jamais. Tremblez, innocents lecteurs !