L'histoire :
Agée d'à peine seize ans, la fille de Madame de Chartres doit être présentée à la cour. La jeune femme est ravissante, et sa mère très soucieuse de lui trouver un futur mari à la hauteur de son rang. Lors d'un passage chez un bijoutier pour préparer sa parure, elle croise le regard de Monsieur de Clèves, ébloui par la beauté et la très délicate gêne de la demoiselle. Un temps rival du duc de Guise pour prétendre à l'amour de cette nouvelle venue, le prince de Clèves va finalement obtenir les faveurs de la famille, et voir son désir d'union couronné. La princesse de Clèves débute alors sa vie auprès d'un homme sincèrement amoureux, dont elle admire la gentillesse et les attentions, mais pour qui elle n'éprouve aucun sentiment fort. Lorsque le duc de Nemours croise son regard, sa vie est bouleversée. Elle est sensible au charme du plus bel homme du royaume, qui l'invite à une première danse inoubliable. Mais elle sait qu'il est connu pour être un de prétendants de la reine d'Angleterre, et l'homme de très nombreuses conquêtes. Elle ignore si ses sentiments sont partagés, et se sent déchirée de ne pas être digne de son mari si aimable et prévenant.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec un graphisme un poil rigide et des dialogues très écrits, cette adaptation de la Princesse de Clèves en bande dessinée déjoue les pronostics. On aurait imaginé que le défi était impossible, le pari perdu d'avance : le roman n'était pas adaptable, trop littéraire par essence pour rentrer dans le format de la mise en scène graphique. Or très vite, on est pris dans une ambiance toute en subtilité autour d'un personnage très fort et remarquablement incarné, et on se passionne pour les sentiments de la jeune femme, délicatement déstabilisateurs, touchants dans leur manière de déjouer les codes. Les sous-entendus, les rencontres furtives, la subtilité du langage jouent un rôle primordial dans cette histoire d'amour impossible mais finalement très simple, et actuelle. Les deux auteures réussissent avec des planches en six cases à créer des moments de pur dialogue, ciselés et cruciaux, une manière très habile de contourner le problème de la littérature en BD. Les personnages plongent alors dans des échanges intenses qui se lisent sans fausse mise en scène. Certaines citations du roman de Madame de La Fayette sont reprises, mais légèrement actualisés dans leurs tournures, de manière très intelligente pour le public d'aujourd'hui. Graphiquement, certaines pages sont réellement belles et pures, comme cette vue des toits de Paris en page 123, ou ce très mélancolique château des Pyrénées. Claire Bouilhac et Catel Muller ont réussi un petit exploit, très inattendu. La lecture de leur album est immersive, bouleversante par moments. Elle montre un remarquable travail de réflexion et de construction autour d'une œuvre dont on devine la force incroyable pour son époque, et son côté précurseur dans sa description du destin d'une femme.