L'histoire :
Une semaine avec Juliette, 17 ans. Juliette ne perçoit plus qu’un brouillard ouaté autour d’elle. Elle n’a plus d’émotions, ne ressent rien : plus rien ne l’atteint. Elle souffre de la solitude, mais ne supporte plus la présence des autres. Elle est lasse. Il n’y a qu’en forêt qu’elle aime se retrouver. C’est seulement là que les couleurs réapparaissent, que son sourire renaît sur son visage. Dans cette forêt, il y a un inconnu qui dessine. Ils se contentent de se regarder sans échanger un mot, partageant quelques minutes d’un silence intime. Le lendemain Juliette découvre que le garçon mystérieux, Jim, fréquente aussi son lycée. Il lui glisse le dessin qu’il griffonnait la veille : un hibou, à son image. Le dessin est troublant de justesse, car Juliette se sent en effet comme une femme-hibou. Depuis la mort de son père, elle vit seule avec sa mère. Leur relation est belle, autant qu’elle peut l’être entre une mère et une adolescente. En cours de français, Juliette rédige une nouvelle sur le monde en 2030. Elle décrit une planète dévastée par le dérèglement climatique, peuplée uniquement de survivants devenus cannibales. Sa solitude l’entraîne dans un imaginaire qui la rassure, même s’il peut paraître étrange. Ses camarades la trouvent bizarre. Ils la critiquent, l’insultent, la traitent de folle et de dark. Seul Jim la comprend. Il continue à lui envoyer des dessins de hiboux, comme un miroir de sa vie intérieure. Juliette est amoureuse. Mais les autres la rattrapent : elle découvre des photomontages peu flatteurs d’elle circulant sur Internet. Elle s’enfonce...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Vincent Zabus, habitué des fables sensibles, sociales et poétiques, livre ici un récit poignant sur l’adolescence. Une période compliquée, où il est difficile de se définir et de trouver sa place. Dans un espace-temps très restreint – une semaine – il décrit la vie d’une jeune fille et les émotions intenses qui la traversent, changeant radicalement d’une situation à l’autre. Avec subtilité, le scénariste parvient à dresser le portrait intime d’une adolescente différente de ses camarades, confrontée à l’exclusion sociale. Elle ne ressemble pas au groupe et n’aspire pas à lui ressembler : elle est non seulement exclue, mais aussi incomprise et intimidée. Zabus manie avec finesse l’ambivalence des sentiments qui habitent la jeune fille et montre que tout n’est pas noir, qu’il existe plusieurs horizons possibles. Le graphisme de Sara Del Giudice est d’une grande finesse et d’une sensibilité rare. Elle nous avait déjà impressionnés dans Derrière le rideau, où elle traitait un sujet tout aussi grave avec justesse et émotion. Ici, elle va encore plus loin et affirme pleinement son univers visuel. Tel une artisane, elle réalise tout à la main et manie le crayonné avec une grande maîtrise. Ses compositions sont délicates, pleines de détails qui enrichissent la lecture sans jamais l’alourdir. La mise en couleur est tout aussi réussie : elle adapte ses teintes aux situations et aux émotions avec justesse, tout en maintenant une belle harmonie. Cette alliance entre texte et image donne naissance à une œuvre forte, cohérente et profondément touchante. On peut uniquement lui reprocher d'être imprimée sur du papier glacé. Une BD à recommander à tous les lecteurs, petits et grands, que ce soit pour aborder des sujets difficiles avec délicatesse ou tout simplement pour en prendre plein les yeux.
