L'histoire :
Un immense et luxueux chalet au cœur d'une forêt superbe, des promenades à cheval, une piscine bien entendu, une salle de sport avec son coach. Lena accueille des délégués de grands pays du monde pour une conférence préparatoire à un sommet international. Leur thème de travail est le territoire syrien, dont ils vont discuter des enjeux autour d'une table où les russes, les américains, les iraniens, les saoudiens sont officiellement représentés. Mais il est difficile de savoir si les émissaires non gouvernementaux envoyés par chacun des pays sont réellement venus pour préparer le futur sommet. Lena sait, comme tous les participants, qu'après la première série de réunions, un des acteurs, marin émérite, a trouvé la mort dans un accident de voilier inexplicable. En établissant des contacts personnels avec chacun, le très élégant et courtois saoudien, le lord anglais qui enrage de ne pas perdre du poids à la gym, elle tente de deviner si une menace pèse sur cette nouvelle rencontre. Officiellement représentante de la société d'évènementiel qui organise le séjour, Lena devine que plus d'un des invités a des doutes sur son rôle réel au milieu de ce nid de tensions diplomatiques. Les jours passent, les discussions sont très tendues, les moments de détente toujours à double tranchant. Chacun observe et se méfie, et se prépare à toutes les éventualités...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette troisième aventure de Lena installe réellement le personnage étonnant de cette jeune femme engagée par les services secrets après avoir perdu les siens dans un attentat islamiste. Pierre Christin n'a rien perdu de son talent pour créer des ambiances denses dans lesquelles les personnages tiennent autant de place que dans les grands romans policiers. En nous immergeant au cœur d'une conférence préparatoire à un sommet sur la Syrie, il retrouve des accents de Partie de Chasse, un de ses chefs d'œuvre réalisé avec Enki Bilal. Un huis clos plein d'intentions cachées, de secrets de diplomates, d'identités incertaines. André Juillard semble retrouver son style très élégant, tout en ayant gardé une infime touche de sa longue contribution à Blake et Mortimer. Ses silhouettes sont plus élancées, un peu moins détaillées, mais ses marottes sont incontestablement présentes. La délicatesse d'un pied de femme dans une sandale, les images accrochées au mur, et les personnages en arrière-plan qui observent les scènes. Il y a une véritable dimension néo-réaliste dans son travail, une sorte de prolongement en bande-dessinée de la peinture d'Edward Hopper. L'album est très beau, les pages composées de manière faussement rigide, avec quelques véritables tableaux devant lesquels on s'arrête de longs moments, comme la page finale, absolument superbe. Le fond historique très contemporain offre un plaisir de lecture supplémentaire, une intensité journalistique réellement passionnante. Un album totalement réussi, et le grand plaisir de voir un très grand dessinateur s'appuyer sur un très grand scénariste. Et un engagement artistique intact au service d'une histoire aussi passionnante qu'intelligente.