L'histoire :
A travers le hublot de son avion, à destination de New York, Marc repense à ses tristes derniers jours. Sa compagne Karine lui a avoué qu’elle l’avait trompé… que celui avec qui elle avait fait ça avait le sida… qu’elle allait faire le test… C’en était trop pour Marc. Il a rompu. Violemment. Définitivement. Et a décidé de prendre un virage radical. Un tour du monde, pour faire le point sur sa vie, cela lui a paru la meilleure échappatoire. Le soir, dans son premier hôtel de Manhattan, il entreprend de rédiger une lettre à l’attention de Karine, ce qui se transformera au fil de ses étapes en carnet de voyage. Les premières lignes sont néanmoins emplies d’amertume, d’ironie et néanmoins de réalisme. Il ne va pas en faire une dépression : il ne l’a jamais aimé et il la méprise cordialement. Le lendemain, il s’installe pour quelques jours chez des amis et commence un touriste-tour relativement basique, s’épaulant sur de vieilles notions d’anglais approximatives. Sur un ferry devant la statue de la liberté, il sympathise avec une anglaise sympa, Maddie. Elle l’inclue dans son cercle d’amis, qui lui ouvrent les yeux sur un tourisme plus « ouvert ». Au fil des jours, Marc se rend alors compte qu’il passe pour un égoïste, un médiocre… mais il l’assume et ne se bile pas pour autant. Maddie et ses copains lui proposent alors de les suivre à Shanghai…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec leur premier one-shot, Effleurés, une histoire d’amour tourmentée et contemporaine, Isabelle Bauthian et Sylvain Limousi étaient entrés de la meilleur des manières dans le 9e art. Ils réitèrent aujourd’hui leur collaboration pour un second récit indépendant, un peu plus éloigné de l’histoire d’amour, mais toujours aussi foncièrement imprégné de réflexion sociale. Tout commence par une rupture (sur laquelle on revient parfois, en flashback), qui découle sur un besoin impérieux pour le héros, trentenaire, de tout remettre à plat. Or pour mieux comprendre sa vie, il décide de mieux comprendre le monde, et entreprend d’en faire un « tour ». Dès lors, au fil de ses visites, de ses rencontres, de ses expériences et surtout de ses lettres, on comprend la teneur de ce bilan nécessaire. Car en regardant ailleurs, il se regarde effectivement lui-même, sans complaisance et c’est le but de la démarche : l’auto-analyse de nos comportements occidentaux égoïstes, de notre petit confort, au regard de la marche du monde. Accompagnée par une écriture littéraire agréable, ce propos « sociétal » n’étonne guère de la part d’Isabelle Bauthian, qui démontre qu’elle n’a en rien perdu de la maturité psychologique d’Effleuré. La narration se partage entre scènes dialoguées et des visites contemplatives, sur lesquelles se plaque la voix off du carnet de voyage. A travers cette histoire, Sylvain Limousi a certainement du trouver un écho tout particulier avec sa propre expérience, lui qui s’est expatrié en Chine pour des raisons à peu près aussi simples et essentielles que celles du héros : voir la vie autrement. Sa griffe de dessin est toujours aussi particulière : les décors sont soignés, les traits sont toujours détaillés, les personnages ont des yeux en amande, des nez très larges… Vu qu’il s’agit de son troisième album (sans compter les projets collectifs), il n’y a plus guère de surprise, mais cette Limousi touch, fraîche et agréable, sort le bédéphile blasé du tout-venant.