L'histoire :
Le calife de Bagdad qui apprécie les histoires plus que tout au monde, organise un jour un grand concours de contes. Il donne trois ans à mille et un candidats pour peaufiner la meilleure histoire qui soit. Promesse est faite au gagnant de se voir offrir les plus formidables richesses qu’on puisse imaginer. Promesse est faite au plus mauvais d’entre eux, d’être empalé sur la voie publique. Parmi les nombreux postulants, quatre d’entre eux réputés pour être les meilleurs sont démarchés par Ahmed, le propre fils du Calife. L’énigmatique et ambitieux enfant leur propose alors une alliance et un marché : il s’agit de faire en sa compagnie un périple à travers le monde, pour y glaner les meilleures histoires, les aventures les plus incroyables et les condenser en un seul et même récit, le conte parfait. Les quatre candidats, aux personnalités contrastées acceptent. Parmi eux se trouvent le colosse Nazim, un maraîcher qui passionne régulièrement les foules sur son stand ; Wahid réputé pour ses récits à la tonalité très particulière ; Tarek, bourré de talent et séducteur ; et le vieux maître de ce dernier, Anouar, que ce concours… emmerde profondément. Avant de partir, les 4 candidats et l’enfant ont la mauvaise idée de consulter un devin qui leur prédit un avenir invraisemblable. Parmi ces prédictions, le doux Nazim assassinerait Anouar de treize coups de couteaux et Wahid, qui est en fait une femme, Wahida, se marierait finalement avec Tarek…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
D’emblée, le scénariste Fabien Vehlmann met la barre bien haut : il annonce que ce récit en one-shot, digne de ceux des mille et une nuits, vise la lente concoction d’un conte parfait ! Le plus incroyable, est que cette intention ambitieuse parvient réellement à passionner, alors que même, vous vous en doutez, le conte parfait dont il est question restera totalement inconnu. Graphiquement, Vehlmann est une nouvelle fois épaulé par son compère de La nuit de l’Inca, le dessinateur Franz Duchazeau. Ses cases sont toujours très stylisées, modernes, hachurées, complétées par des tonalités sobres pour ne pas dire ternes, mais en parfaite adéquation avec l’ambiance éthérée inhérente à ce type de conte. Paradoxalement, les aventures que vont subir les cinq conteurs sont révélées d’entrée de jeu, sans que le suspens n’en soit altéré. Pour parvenir à ce tour de force, Vehlmann allie une mise en abyme (l’histoire dans l’histoire…) parfaitement maîtrisée et de subtiles péripéties, à la manière des aventures de l’antiquité. A chaque chapitre, il aborde des sujets divers et complémentaires, tantôt philosophiques, tantôt poétiques (l’arbre aux oiseaux !), mais d’une habileté narrative vertigineuse. Toujours surprenant, le scénariste alterne les épisodes divers et complémentaires, avec toujours en tête l’idée de produire un effet de surprise, un choc de cultures. On a beau s’attendre à être bluffé… on l’est réellement ! Par exemple, le fantôme de l’homme en rouge ne vous quittera sans doute plus jamais… Bref, l’auteur joue fabuleusement bien avec les clés de sa narration et le lecteur, quel qu’il soit, se fait berner. Bien plus qu’une succession d’aventures destinées à bâtir une histoire parfaite, ce one-shot fourmille d’astuces et révèle nombre de point sensibles sur lesquels devraient s’interroger les écrivains et les scénaristes avant de se lancer dans leurs œuvres. Comment construire un récit ? Comment surprendre un auditoire ? Et finalement quel est le pouvoir d’un récit ? Assurément, un récit peut changer la face du monde… Un album indispensable qui ne manquera assurément pas d’être primé !