L'histoire :
Ankara, les Années 30. Au bar Le Chat Noir, un cabaret où se pressent diplomates et expatriés, c'est l'effervescence. Les filles doivent se préparer. Les suisses de l’Ankara Palace débarquent. Nouchi est l’une de ces filles, une danseuse hongroise à l’esprit libre. Ce soir-là, elle fait la connaissance de Bernard de Jonsac, employé de l’ambassade de France. Ils discutent et elle le bouscule de son franc-parler, tandis que lui reste imperturbable derrière son monocle. Lorsqu’il lui annonce son départ imminent pour Istanbul à bord du Taurus Express, Nouchhi y voit une opportunité d’évasion, un échappatoire pour quitter sa triste condition. Ils prennent leurs appartements dans un wagon-lit et font route ensemble. Durant le voyage en train, elle lui demande comment il la présentera une fois à destination : une amie, sa femme ? À l’arrivée, ils embarquent pour la rive européenne et rejoignent l’élégant quartier de Pera, par bateau. Fascinée par l’énergie d’Istanbul, Nouchi s’y jette avec une voracité qui contraste avec la réserve de Bernard, annonçant une relation où s’affrontent désir, survie et contradictions.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jean-Luc Fromental et Laurine Matussi livrent une adaptation fidèle et envoûtante des Clients d'Avrenos de Georges Simenon, inscrivant ce roman dur dans la lignée de La Neige était sale ou Le Passager du Polarlys. L’ambiance est hypnotique, entre absurdité et langueur, rappelant Le Joueur d’échecs de Zweig ou L’Étranger de Camus. Bernard de Jonsac, héros taciturne et impassible, évolue dans un univers de diplomates, d’espions et d’âmes perdues, tandis que Nouchi, virevoltante et imprévisible, dynamite leur duo de contrastes. Ankara et Istanbul, plus que de simples décors, deviennent des personnages à part entière, baignés dans une lumière trouble et des tensions latentes. On ne sait pas pourquoi les personnages sont là, on dirait des âmes errantes. Mais ce n’est pas ça le plus important... L'important, c'est l'atmosphère, atmosphère. Est-ce que nous avons une gueule d'atmosphère ? Le trait de Matussi, tout en lignes étirées et visages modiglianesques, accentue le décalage entre l’apathie de Jonsac et l’énergie frondeuse de Nouchi. La palette de couleurs en aplats vifs, entre ombres flottantes et contrastes abrupts, renforce l’atmosphère étrange et envoûtante du récit. L’intrigue minimaliste se dilue dans une étude psychologique où flottent mystère et mélancolie, laissant le lecteur suspendu dans cette errance existentielle fascinante.