L'histoire :
Les cadors du marketing ne lui ont encore pas trouvé de petit nom, mais encapsulé dans des gélules aux couleurs flashy, le nouveau médicament (M2 C2 T) est fin prêt. Tout au moins paré pour déclencher la phase 2 des essais cliniques. Et qui dit « essais » dit testeurs ou « cobayes. Cette fois, l’équipe médicale souhaite avoir trois testeurs vierges de tout protocole d’expériences similaires antérieures. Une annonce plus tard – proposant 3500 euros pour 21 jours de confinement – et une kyrielle de professionnels des essais cliniques évincée, une femme et deux hommes sont retenus. Cependant, lors du dernier entretien individuel, chacun d’eux n’a pas dit l’entière vérité. Le premier n’a pas révélé par exemple avoir été licencié 6 fois les 3 derniers mois pour des troubles de la mémoire (troubles mnésiques idiopathiques…). Le second a refusé de reconnaître qu’il prenait régulièrement des petites pilules bleues pour soigner des troubles de l’érection (parfaitement incompatibles avec une sévère obsession sexuelle). La dernière, enfin, s’est présentée comme étudiante aux beaux-arts, alors qu’elle a échoué à plusieurs reprises à l’examen d’entrée. Quoi qu’il en soit, ce sont bien eux qui seront, sous contrôle médicale (test cliniques classiques et tests psychologiques), chargés d’essayer un anxiolytique nouvelle génération pour notamment en déterminer la posologie. Pour la somme rondelette proposée, aucun d’entre eux ne refuse de signer le document qui les obligera, 21 jours durant, à rester enfermés au rythme d’une prise régulière de ces jolis médicaments roses et jaunes. Pourtant, leur vie en sera bouleversée...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tonino Benacquista livre ici un « thriller pharmaceutique » impeccablement ficelé, surfant sur l’idée simple de donner à une gélule rose et jaune, le pouvoir de modifier la trajectoire des existences de trois « cobayes » recrutés pour tester les effets cliniques d’une nouvelle molécule (le premier anxiolytique non perturbant). En y ajoutant, en prime, une dose d’humour grinçant – option analyse sociétale joliment ajustée – doublée d’une louchette à velléité psychanalytique et triplée d’un petit suspens bien fichu, il balaye très habilement la problématique du remède miracle, en n’oubliant ni « les effets indésirables », ni « les symptômes persistants ». Au fil d’un one-shot de 90 planches, on gobera ainsi avec appétit le sort de deux hommes et d’une femme aux destins bouleversés par l’arrivée dans leur vie d’une petite pilule bicolore allongée. L’un est un obsédé sexuel perdant tous ses moyens au lit. L’autre un pauvre diable souffrant de troubles de la mémoire très importants. Et la dernière une artiste ratée n’ayant pas réussi à intégrer les beaux-arts. Tous trois n’ont pas dit l’entière vérité lors de leur recrutement. Tous trois ont quelque chose à régler avec leur passé. Tous trois deviendront accros, au cours d’une aventure où s’enchaîneront tests physiologiques et psychologiques, rêves bouleversants, solides amitiés, nouvelles personnalités, tentatives d’assassinats, vengeances, chantages et trafics. Aussi, l’ensemble se veut-il particulièrement captivant sur le mode divertissant d’une comédie bien équilibrée, avec le petit bonus (non envahissant) qui ouvre la réflexion. Tellement, d’ailleurs, qu’on regrette même de quitter ce trio dont le profil psychologique et relationnel semblait avoir du potentiel pour quelques prolongements (cela dit, la conclusion reste ouverte…). Au dessin, Nicolas Barral livre quant à lui une partition un brin épurée – sans chichis – mais en tout cas parfaite pour jouer à la fois la carte du réalisme, de l’humour, du suspens et de l’action. Bref, de quoi avaler ce polar sans plus attendre et sans ordonnance.