L'histoire :
2013. Le truand marseillais Toinou vient de purger une longue peine de prison pour un crime qu’il n’a pas commis. Il a assumé les actes du fils de son protecteur, un des parrains locaux, qui l’accueille comme un frère à sa sortie. Il a fait ce qui lui semblait être son devoir, comme toujours. Et il continue. Avant sa détention, il avait promis à un chef d’entreprise de tout faire pour le venger si lui, ou un membre de sa famille, était assassiné. Il a effectivement péri dans un attentat à la bombe, et son avocat délivre alors tous les aspects du contrat à Toinou. Il doit retrouver un certain Itzala, qui signifie « ombre » en basque, un mystérieux dignitaire de l’ETA, quasiment introuvable. Entre la Provence, le Pays Basque et ses rêves d’ailleurs, Toinou va alors entamer un long périple, géographique, mais aussi intérieur. Car les souvenirs de sa vie, de sa famille, de ses parents vont resurgir peu à peu…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Une petite histoire de la violence organisée, et un homme perdu, sans famille, sans patrie, sans conviction au milieu. Perdu dans un monde qui a changé, où les codes ont changé. Toinou est le fils d’un des fondateurs de l’OAS, suicidé sans qu’il ait pu vraiment le connaître. Mais il est étranger à cette histoire-là, aux idéaux portés, aux combats menés. Et puis la vie est différente, et le printemps arabe a accroché aux fenêtres des fleurs qu’il ne voyait pas de sa prison. Ironie du sort, son premier contrat à sa sortie le rapproche d’une autre terre d’idéaux contraires et contrariés : le pays basque, tiraillé depuis si longtemps entre le désir de paix et les guerres fratricides, où la politique et les chimères tranchent parfois même au milieu des familles. C’est un parallèle astucieux et dangereux que fait le scénariste Cava, pour une histoire qui court véritablement sur le fil du rasoir, en posant un dilemme politique inextricable à son héros : peut-il mettre en péril l’équilibre d’un pays entier pour tenir sa parole ? Ce scénario incroyable, passionnant et bien mené, est en partie gâché par une tendance à l’acharnement verbeux et philosophique. Les dialogues sont longs et très introspectifs. Les réflexions du personnage central aussi. A peine plus de légèreté n’aurait certainement pas nuit. Le trait de Segui, quant à lui, donne à l’histoire une pâte très « peinture » et on se retrouve un peu dans une succession de tableaux, avec des gueules cassées, ravagées par le temps et les horreurs, et de magnifiques paysages parfaitement recréés. Au final, on s’est posé beaucoup de questions, on a vibré au rythme des découvertes de Toinou, mais on est tout de même soulagé de sortir d’une histoire qui aurait mérité d’être soit moins chargée, soit proposée en deux tomes plus digestes.