L'histoire :
Inscht, Malard, Alpodraco et Greul sont 4 écrivains d’un âge certain (entre 40 et 60 ans ?). Ni célèbres, ni minables non plus, ils se retrouvent régulièrement dans un bar miteux de leur quartier. Tous ensembles ou morcelés, ils partagent leur approche de leur art solitaire, l’incompréhension du monde extérieur pour la finalité de leurs démarches… Ils se moquent aussi, avec une certaine tendresse, des névroses, psychoses et autres tocs qui font la personnalité des uns des autres. Ils débattent des sujets dont ils sont en train de traiter, de leurs confrères, de leur milieu, des contingences commerciales de leur profession, de l’aigreur naturelle qui s’échappe de leur condition… De temps en temps, ils font des batailles d’épithètes, s’envoyant à la face des adjectifs tous plus tordus les uns que les autres. Et surtout, ils rivalisent d’ingéniosité pour empêcher le patron du bar, qui aimerait prendre sa retraite, de vendre son pas de porte. En effet, la désuétude et la torpeur qui émane de ce QG ringard sont sacrées pour eux…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’écriture et ses affres, en tant que profession et vocation, sont ici décortiqués par Anne Baraou à travers 11 historiettes contemporaines et urbaines. La scénariste a semble t-il beaucoup de choses à dire sur le sujet, au point d’en remplir un diptyque (le tome 2 est à venir). Elle met en scène 4 écrivains lambda et néanmoins reconnus par la profession – à défaut de l’être par le public – qui subissent autant qu’il se repaissent de leur pratique. Ils ne sont pas ratés, ils refusent juste d’affronter seuls leur difficile condition d’écrivains, un peu intellectuels, surtout très « cultureux ». De concert, ces « bêtes » curieuses et hétéroclites nous livrent alors une vision pour le moins angoissée, désillusionnée et torturée de leur métier. Notons que le bistrot qui menace de fermer peut aussi être vécu comme une métaphore, le symbole d’un métier en perdition…L’illustration d’un sujet aussi peu spectaculaire que varié dans les décors et les acteurs, a du être une véritable sinécure pour François Ayroles, autre pilier de l’Association, qui s’en tire de brillante manière. Son trait fin, « moderne », d’une sobriété idoine, n’est certes pas des plus joviaux, mais il a le mérite de coller parfaitement au ton, de mettre en scène les débats intellectuels de ces 4 êtres décharnés, sans jamais lasser. Reste qu’’il n’est guère évident de prendre du plaisir à la lecture de cette performance… d’écriture (nombriliste ?). L’ouvrage contentera plus facilement les lecteurs de romans (ou les pseudo-intellos de soirées mondaines), que le public traditionnel qui attend du 9e art, rythme, exotisme et délassement. L’exercice de mise en abyme est certes brillant et « intelligent », et les auteurs se sont visiblement fait plaisir – les propos font d’ailleurs un flop quand ils participent de leur microcosme hermétique. L’humour pratiqué est certes tantôt cynique, tantôt finement pince-sans-rire… Mais cette intellectualisation de la profession – somme toute vaine – résonne verbeuse, pompeuse… aussi prétentieuse pour les uns, que salutaire pour les autres.