L'histoire :
Mars 1953. Tito, dictateur communiste et chef de l’Etat yougoslave, alimente de profondes inimitiés en ce début de guerre froide. Il est attendu en visite officielle par le gouvernement britannique, en particulier par Churchill et le duc d’Edimbourg. Alexander Ostojic, britannique d’adoption et yougoslave de naissance, est quant à lui un anonyme parmi les anonymes. Et pourtant, en ce jour de brouillard, il s’apprête à commettre un attentat. Comment en est-il arrivé là ? Médecin légiste de Scotland Yard âgé d’une trentaine d’années, Alex menait une vie de célibataire paisible, rythmée par son travail. Tout change le jour où survient un drame familial : sa mère est fauchée par une voiture dans les rues de la capitale. Tout semble accréditer la thèse de l’accident. Et pourtant. Déclarée folle, elle était assignée à résidence dans une clinique spécialisée loin de Londres, surveillée par une horde de médecins : comment a-t-elle pu leur échapper et que faisait-elle donc à Londres ce jour là ? Alex comprend très vite qu’il ne s’agit pas vraiment d’un accident, et se rend compte aussi qu’il ne connaît pas le passé, tumultueux et ombrageux, de sa défunte mère. Puis, l’hypothèse devient une certitude, le jour où un homme balafré vient l’agresser chez lui. Il ne s’agissait donc pas d’un banal accident de voiture. Très rapidement, ce simple citoyen britannique d’origine slave se retrouve au cœur d’un complot, dont le principal rouage est peut-être sa mère…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Voilà un thriller qui sait utiliser habilement l’Histoire pour mettre son récit en perspective. Pour contexte, Londres et sa communauté d’exilés yougoslaves, formant un entrelacs de nationalités, d’ethnies, de religions et traversée par de multiples fractures : Serbes, Tetchniks (milice ultra-nationaliste serbe), Oustachis (mouvement croate fasciste séparatiste), Macédoniens, Bosniaques, musulmans et soviétiques définissent les contours de cette mosaïque. Pour histoire, un thriller classique qui prend le temps de la narration didactique, assez bavarde il est vrai, mais toujours claire et précise, jamais ennuyante. Ce qui relève de la gageure, compte tenu de la difficulté à rendre explicites les enjeux politiques et historiques qui sous-tendent cette histoire. Il est question du décès pas vraiment accidentel d’une mère, de services secrets anglais, de complots afro-balkaniques, mais aussi de faux-semblants et de jeu de masques. Sans être très original dans le déroulement, l’album séduit surtout par le travail de restitution historique, précis et rigoureux, qui a le mérite de mettre en lumière une partie méconnue de l’histoire européenne : le rôle de Tito, ce dictateur communiste qui tint tête à Staline à l’aube de la guerre froide. A l’image de la couverture, le dessin est élégant et même désuet (à la Loustal), installant habilement une ambiance voilée et ombrageuse, typiquement british. Posant ici ou là tous les jalons d’une intrigue complexe, lente et rythmée à la fois, les auteurs réussissent à nous tenir en haleine pendant 48 pages. La direction que prend le pitch est assez claire, sans que le scénario en révèle trop pour autant. C’est dosé, équilibré et ça fonctionne. On termine l’album un peu dans l’expectative mais, avouons-le, aussi désireux d’en connaître la suite. Alors, Les Racines du chaos, un bon ou un excellent thriller historique ? Mieux vaudra attendre le second tome pour se prononcer. Mais d’ores et déjà, un tome d’exposition assez prometteur…