L'histoire :
Dans cette petite ville minière du nord de la France, le début du 20e siècle ne fait pas de cadeau… notamment en matière de météo : un crachin chasse une averse, au rythme des relèves d’équipes de mineurs qui se croisent jour et nuit. La matinée débute comme les précédentes et pourtant… La caravane tsigane qui fait halte en ville pourrait faire souffler un nouveau vent : haïs de tous, les nomades arrivent à point nommé. Mortier, l’exploitant des mines de charbon, pense en effet y trouver une main-d’œuvre bon marché en ces temps où la révolte gronde au sein du coron. Aussi, il contraint le maire à leur céder un bout de terrain, voisin du vieux cimetière. La nouvelle est loin de faire l’unanimité dans la communauté qui apprécie peu les sorcières et bonimenteurs de cet acabit. Elle ne fait pas plus le bonheur du frère ainé des Mortier, qui semble nourrir une rancœur ancienne auprès des Roms, dont le dernier passage a marqué les esprits. Seul Antoine, qui rêve de quitter ce sinistre pays, est rapidement séduit par le regard envoutant de Kheshalya. Cette jeune gitane semble pourtant porter en elle une terrible malédiction, un douloureux secret qui, en surgissant du passé, risque de provoquer un sérieux coup de grisou…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Entre mine et feu de bois, bruit sourd d’un coup de pioche et sanglots d’une guitare, gueule noire fatiguée et bleu d’un iris malicieux… Quand souffle le vent nous entraine au cœur d’un autre siècle, au diapason des douleurs et des passions. C’est bien de misère dont il s’agit ici, celle d’un autre temps (?), celle qui contraignait des hommes à risquer leur vie pour enrichir le bourgeois, celle où le refus des différences se révélait, parfois, être le pire des assassins. Il y a dans ce récit de la terre qui colle aux sabots, de la pluie qui use, mais un petit vent qui emporte les pans de la robe d’une jeune et jolie gitane montrant le chemin de la liberté… Usant d’une trame plutôt classique, Laurent Galandon distille avec intelligence et sensibilité une foule de valeurs fortes, sans pour autant que cela ne desserve l’intrigue à la fois captivante et cohérente du récit. On s’attache à tous les protagonistes, on s’impatiente de découvrir les secrets du passé en une progression dramatique impeccablement servie. Et même sans surprise, on est amplement satisfait. Pour bien camper cet univers, le scénariste ne pouvait pas mieux espérer que le trait si particulier de Cyril Bonin. Ce dernier possède en effet un dessin qui a la faculté d’apprivoiser le fil de la narration. D’abord aussi austère que la colonne de mineurs qu’il accompagne, il devient libre, et flamboie comme une danse tsigane….