L'histoire :
A partir de combien, est-on riche ? 4000 euros par mois, comme l'a dit un jour François Hollande ? 150 000 euros par an est-il si peu que Françoise Hardy s'en trouve contrainte à faire la manche dans le métro ? Comme le font remarquer les auteurs dans leurs premières pages, s'il existe un seuil de pauvreté, il n'existe pas de seuil de richesse. On trouve toujours plus riche que soi. Ne voyant personne au rayon sociologie de la « Fnouc », les chercheurs Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon vont à la rencontre de Philippe, un lecteur insouciant assis au rayon BD. Il l'abordent en lui posant la question piège : c'est quoi, être riche ? Epaté par la discussion qui s'ensuit, Philippe invite les deux sociologues à dîner, ce qui leur donne l'occasion d'aborder tous les aspects de la vie des plus fortunés, qu'ils étudient depuis plusieurs décennies. On apprend la différence d'origine entre Ernest Antoine Sellière, héritier d'une famille historiquement fortunée, et Xavier Niel, le self-made-man. On comprend qu'il sera quasiment impossible pour le fils de David Beckham de reprendre le job de son père, alors que ce fut très simple pour Arnaud Lagardère. Quand au gagnant du Loto qui remporte le gros lot en jouant la date d'anniversaire de Jean-Luc Mélenchon, la vie va être plus difficile que prévue pour lui. Pas facile en effet de prendre des habitudes de riche du jour au lendemain !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Initialement publié il y a 10 ans, en octobre 2013, Riche, pourquoi pas toi ? est aujourd'hui réédité au format poche (à moins cher), au sein d'une nouvelle collection de Dargaud réunissant des ouvrages très divers. Il y a énormément d'habileté dans la manière dont Marion Montaigne est allée s'inspirer du travail de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot pour livrer des chroniques pleines d'humour qui font réfléchir à plus d'un titre. Les deux sociologues sont des quasi références dans la construction intellectuelle de la gauche actuelle, par la densité de leur travail sur l'univers et les modes de vie des plus riches. Mais comme pour beaucoup de chercheurs qui ont consacré leur vie à un sujet, la portée de leur travail dépasse les opinions politiques. Leur propos décliné en BD pourrait être un peu lénifiant, mais ce n'est jamais le cas. Avec un trait vif qui va à l'essentiel, Montaigne met en scène chaque sujet abordé d'une manière originale et renouvelée. Là où la blogueuse réussit son coup, c'est en insérant « Monique et Michel » dans des scènes de la vie courante, en faire-valoir qui surgissent de derrière un fauteuil pour asséner le fruit de leurs recherches. Les deux époux pétris de clichés gauchisants font rire et incitent le lecteur au recul, apportent leur grain de sel, quitte à embêter un peu tout le monde. La profondeur est néanmoins au rendez-vous, notamment dans le chapitre consacré aux gagnants du Loto, absolument édifiant dans la manière dont il décrit le mal qu'ont des gens auparavant modestes à se comporter comme des riches. Non seulement on passe un très bon moment à la lecture de cet album, mais on en retire l'envie de mieux connaître le travail des deux chercheurs qui l'ont inspiré. C'est donc un peu plus qu'une adaptation réussie.