L'histoire :
Au milieu du XVIIIème siècle, l'explorateur anglais Robert Watson récupère des documents d'études et du matériel scientifique dans une demeure d'Ingolstadt, en Bavière. En parcourant cette découverte, il est subjugué. Il fait tout rapatrier jusque Portsmouth et lègue ce matériel à son gouvernement... qui le consigne dans un entrepôt pendant plus d'un siècle. Au début du XXème siècle, la rivalité politique pour l'hégémonisme mondial est à son summum entre les deux empires germanique et britannique. Entre autre conquête symbolique, la conquête du pôle sud cristallise les passions. C'est alors que le premier ministre anglais accepte un plan dingue, après que son armée a ouvert et étudié les caisses trouvées par Lord Watson un siècle plus tôt. Des caisses ayant appartenues à un certain Victor Frankenstein, inventeur d'un procédé qui permet de redonner vie à des corps, en leur accordant une résistance et une force herculéennes. Il autorise ainsi la « résurrection » de 7 hommes fraîchement décédés afin que leur super constitution leur permette d'affronter le relief tourmenté et les conditions climatiques extrêmes du vaste continent glacé. Des militaires, un médecin, un maître-chien, un photographe et un géologue sont ainsi réveillés à grands renforts de chocs électriques surpuissants. On leur expose ensuite la mission en leur promettant un demi-million de livres Sterling s'ils la réussissent... ou un retour simple à leur précédent état morbide s'ils la refusent. Évidemment, ils acceptent tous. Près de deux mois plus tard, un navire les dépose sur un pack de glace de la mer de Ross, en compagnie de quatre traîneaux lourdement équipés et d'autant de poneys tués et ressuscités, eux aussi, afin de leur conférer une puissante constitution...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le scénariste Henri Meunier a eu une idée aussi originale qu'aboutie, pour clore en beauté (glacée) la saison 3 de la collection Sept. Contrairement à ce que peut laisser croire la baseline en couverture – Sept morts-vivants à la conquête du pôle – il n'est pas question ici de zombies dans le sens courant, lent, décérébré et donc « romeroesque » du terme. Les morts-vivants dont il s'agit sont des morts fraîchement suscités, avec leur intellect intact. Cela est fictivement possible selon la méthode électrique de Frankenstein romancée par Mary Shelley, un procédé qui les rend plus forts et totalement résistants à la douleur – donc au froid. Ils deviennent ainsi des supers-explorateurs pour partir à la conquête du pôle sud, lors de l'hiver 1910, en lieu et place de l'exploit authentiquement réussi par Amundsen en 1911. Et cette mission s'inscrit dans le contexte bel et bien historique de la rivalité germano-britannique du début XXème siècle. Nous suivons ainsi une exploration du pôle totalement bidon, mais pourtant passionnante par le sérieux qu'emploient les auteurs pour la rendre crédible. Hormis la résurrection et les protagonistes qui se meuvent sans peine dans un froid inouï, malgré leur putréfaction progressive, tout le reste ressemble en effet à une exploration polaire réelle. Afin d'ajouter une dimension psychologique supplémentaire aux frissons intrinsèques à l'aventure, Meunier développe leurs personnalités, leurs passés, leurs tensions. Pour ne rien gâcher, le scénariste soigne son verbe lors des nombreux dialogues. Mais ce parti-pris littéraire, ainsi que le rythme séquentiel parfois brut, réserveront la lecture aux plus âgés (de toute façon, un crâne ouvert de poney vivant, mais truffé d'asticots, suffit déjà en soi à filtrer le lectorat). On ne révélera pas grand-chose en avouant que ça se termine mal... puisque nos Sept macchabées sont déjà morts avant même d'être partis. L'immersion dans ce one-shot tient aussi beaucoup au talent séquentiel et artistique d'Etienne Le Roux. La griffe réaliste du dessinateur est juste et variée, elle trouve toujours le cadrage visuel qui maximise l'impact, ou qui plonge dans l'ambiance idoine. En quelques mots : irréprochable, incroyablement vivace et mortellement efficace.