L'histoire :
Une femme à la beauté exemplaire subit les punitions corporelles conçues par un savant à lunettes dans une maison folle. Sa peau est couverte de numéros sans logique, ses membres sont attachés jusqu'à ce qu'elle s'endorme, et elle ouvre les yeux dans une pièce fermée. Tous les meubles ont été déplacés. Les couverts sont plantés dans le sol comme dans un tableau moderne au sens caché. C'est ensuite un voyage en bateau qui emmène Bianca renouveler sa garde-robe à Odessa en 1905. Mais la jeune femme est très vite réduite en esclavage, attachée à un traîneau qu'elle doit tirer. Puis elle voit à nouveau sa peau utilisée comme un parchemin vivant. Les sévices subis dans un pensionnat de jeunes filles, ou la reconstitution vivante d'une nouvelle d'Edgar Poe font également partie du quotidien de Bianca. Une très belle femme dont le corps est l'objet de tous les fantasmes érotiques et sadiques. Dans un monde irréel parcouru de fulgurances artistiques...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C'est une vraie plongée dans les années 70 que nous propose cette belle intégrale d'un artiste quelque peu oublié. Les lecteurs les plus aguerris se souviennent de ses pages dans les magazines de BD pour ado et adultes, les Charlie, À Suivre ou Écho des Savanes. Le trait fin et incroyablement élégant du dessinateur italien y était très reconnaissable, ses silhouettes féminines élancées et stylées accompagnant une vision très marquante de l'image érotique sur papier. Moins spectaculaires que les femmes de Manara, les modèles de Crépax avaient une touche de grâce supplémentaire, leur mise en scène révélant une sensibilité artistique véritablement personnelle, à la manière des cinéastes italiens de la grande époque. Les aventures de Bianca que propose cet album répondent cela dit très bien aux critères de la BD adulte de l'époque : elles sont belles, mais assez incompréhensibles. Bianca y expose son corps dans des postures soignées et évocatrices, naviguant de l'onirisme pur au sadomasochisme concret, dans des histoires quasiment sans logique. Les bulles de textes qui se lisent parfois verticalement ont des formes irrégulières, contournant les visages ou les corps pour laisser intacts les dessins de l'artiste. Plus personne n'oserait faire ça aujourd'hui, et c'est tant mieux pour les cervicales du lecteur. La force érotique de ces pages est, cela dit, très réelle, la finesse remarquable du trait de l'artiste et la qualité de son dessin anatomique sortant vraiment du lot. Crépax est unique et ses mises en scènes très crues restent d'une grande classe. Les citations littéraires (Edgar Poe ou André Breton, entre autres) qui émaillent ses récits totalement débridés ne parviennent toutefois pas à donner à ce recueil un intérêt autre que la prouesse visuelle. Mais l'érotisme permanent qui traverse chaque page justifie que les amateurs du genre se penchent sur cet album. Ils découvriront ou retrouveront avec une joie coupable un talent marquant d'une époque déjà ancienne. A réserver à un public averti...